Chers frères et sœurs,
Jamais comme aujourd’hui, en ce temps marqué par une crise mondiale aux diverses composantes, Joseph peut être un soutien, un réconfort et un guide. C’est pourquoi j’ai décidé de lui consacrer une série de catéchèses qui, je l’espère, nous aideront davantage à nous laisser éclairer par son exemple et son témoignage. Durant quelques semaines, nous parlerons de saint Joseph.
01/12/2021 – Catéchèse sur saint Joseph – 3. Joseph, homme juste et époux de Marie
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous continuons notre parcours de réflexion sur la figure de St Joseph. Aujourd’hui, j’aimerais approfondir le fait qu’il soit » juste » et » fiancé à Marie « , et donner ainsi un message à tous les fiancés et aussi aux nouveaux mariés. De nombreux événements liés à Joseph sont relatés dans les évangiles apocryphes, c’est-à-dire les évangiles non canoniques, qui ont également influencé l’art et divers lieux de culte. Ces écrits, qui ne sont pas dans la Bible – ce sont des récits que la piété chrétienne faisait à cette époque – répondent au désir de combler les silences des Évangiles canoniques, ceux qui sont dans la Bible, qui nous donnent tout ce qui est essentiel pour la foi et la vie chrétienne.
L’évangéliste Matthieu. C’est important : que dit l’Évangile à propos de Joseph ? Pas ce que disent ces évangiles apocryphes, qui ne sont pas mauvais ou maléfiques ; ils sont beaux, mais ils ne sont pas la Parole de Dieu. Au contraire, les évangiles, qui se trouvent dans la Bible, sont la Parole de Dieu. Parmi eux, l’évangéliste Matthieu, qui qualifie Joseph d’homme « juste ». Écoutons son récit : « Voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. » (1,18-19). Car lorsque la fiancée était infidèle ou tombait enceinte, les fiancés devaient la dénoncer ! Et les femmes de cette époque étaient lapidées à mort. Mais Joseph était juste. Il dit : « Non, je ne le ferai pas. Je vais garder le silence. »
Pour comprendre le comportement de Joseph envers Marie, il est utile de se rappeler les coutumes matrimoniales de l’ancien Israël. Le mariage comportait deux phases bien définies. La première s’apparente à des fiançailles officielles, qui impliquent déjà une nouvelle situation : en particulier, la femme, bien que continuant à vivre dans la maison de son père pendant un an, est considérée comme la « femme » de facto du fiancé. Ils ne vivaient pas encore ensemble, mais elle était comme sa femme. Le second acte était le transfert de la mariée de la maison de son père à celle du marié. Cela se déroulait lors d’une procession festive qui parachevait le mariage. Et les amies de la mariée l’accompagnaient là. Selon ces coutumes, le fait qu’ »avant d’aller vivre ensemble, Marie s’est trouvée enceinte », exposait la Vierge à l’accusation d’adultère. Et cette culpabilité, selon l’ancienne loi, devait être punie par la lapidation (cf. Dt 22, 20-21). Cependant, dans la pratique juive ultérieure, une interprétation plus modérée s’était imposée, qui n’exigeait que l’acte de répudiation mais avec des conséquences civiles et pénales pour la femme, mais pas la lapidation à mort.
L’Évangile dit que Joseph était » juste » précisément parce qu’il était soumis à la loi comme tout homme Israélite pieux. Mais au fond de lui, son amour pour Marie et sa confiance en elle lui suggèrent une voie qui sauvera le respect de la loi et l’honneur de son épouse : il décide de lui donner l’acte de répudiation en secret, sans tapage, sans la soumettre à une humiliation publique. Il choisit la voie du secret, sans procès et réparation. Mais quelle sainteté en Joseph ! Nous qui, dès que nous avons une petite nouvelle folklorique ou mauvaise sur quelqu’un, dérivons immédiatement au bavardage ! Joseph, lui, garde le silence.
Mais l’évangéliste Matthieu ajoute aussitôt : « Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » ». (1,20-21). La voix de Dieu intervient dans le discernement de Joseph et, à travers un songe, lui révèle un sens plus grand que sa propre justice. Et combien est-il important pour chacun de nous de cultiver une vie juste et en même temps de sentir que nous avons toujours besoin de l’aide de Dieu ! Pour être capable d’élargir nos horizons et de considérer les circonstances de la vie d’un point de vue différent et plus large. Souvent, nous nous sentons prisonniers de ce qui nous est arrivé : « Mais regarde ce qui m’est arrivé ! » et nous restons prisonniers de la mauvaise chose qui nous est arrivée; mais c’est précisément face à certaines circonstances de la vie, qui semblent dramatiques au départ, que se cache une Providence qui, avec le temps, prend forme et illumine de sens même la douleur qui nous a frappés. La tentation est de s’enfermer dans cette douleur, dans cette pensée des choses pas très agréables qui nous sont arrivées. Et ce n’est pas bon. Cela conduit à la tristesse et à l’amertume. Le cœur amer est si laid.
Cependant, je voudrais que nous prenions le temps de réfléchir sur un détail de cette histoire racontée dans l’Évangile et que nous négligeons souvent. Marie et Joseph sont deux fiancés qui ont probablement cultivé des rêves et des projets pour leur vie future. Dieu semble s’insérer comme à l’improviste dans leur vie et, malgré quelques difficultés initiales, tous deux ouvrent grand leur cœur à la réalité qui s’impose à eux.
Chers frères et sœurs, très souvent, notre vie n’est pas telle que nous l’imaginons. Surtout dans les relations d’amour, d’affection, nous avons du mal à passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et il faut passer du coup de foudre à l’amour mature. Vous, les nouveaux mariés, réfléchissez bien à ça. La première phase est toujours marquée par un certain enchantement, qui nous fait vivre immergés dans un monde imaginaire qui ne correspond souvent pas à la réalité des faits. Mais c’est précisément lorsque le coup de foudre semble prendre fin avec ses expectatives que le véritable amour peut commencer. Aimer, en effet, ce n’est pas attendre de l’autre ou de la vie qu’ils correspondent à notre imagination ; c’est plutôt choisir en toute liberté d’assumer la vie telle qu’elle nous est offerte. C’est pourquoi Joseph nous donne une leçon importante, il choisit Marie « les yeux ouverts ». Et nous pouvons dire, avec tous les risques. Pensez-y, dans l’Évangile de Jean, un reproche que les docteurs de la loi font à Jésus est le suivant : » Nous ne sommes pas des fils qui viennent de là « , en faisant référence à la prostitution. Mais parce qu’ils savaient comment Marie était tombée enceinte, ils voulaient salir la mère de Jésus. Pour moi, c’est le passage le plus sale, le plus démoniaque de l’Évangile. Et le risque qu’assume Joseph nous donne cette leçon : prendre la vie comme elle vient. Dieu est-il intervenu là ? Je vais la prendre. Et Joseph fait ce que l’ange du Seigneur lui a ordonné : En effet, l’Évangile dit : » Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » (Mt 1, 24-25). Les fiancés chrétiens sont appelés à témoigner d’un tel amour, qui a le courage de passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et c’est un choix exigeant, qui, au lieu d’emprisonner la vie, peut renforcer l’amour pour qu’il soit durable face aux épreuves du temps. L’amour d’un couple se poursuit dans la vie et mûrit chaque jour. L’amour des fiançailles est un peu – si je puis dire – romantique. Vous l’avez tous vécu, mais ensuite commence l’amour mature, au quotidien, le travail, les enfants qui arrivent. Et parfois, le romantisme disparaît un peu. Mais n’y-a-il pas d’amour ? Oui, mais un amour mature. « Mais vous savez, mon père, nous nous disputons parfois… » Cela dure depuis l’époque d’Adam et Eve jusqu’à aujourd’hui : que les époux se disputent est notre pain quotidien. « Mais ne doit-on pas se disputer ? » Oui, oui, on peut. « Et père, mais parfois nous élevons la voix » – « Ça arrive ». « Et aussi parfois les plats volent » – « Ça arrive ». Mais comment s’assurer que ça ne porte pas atteinte à la vie du mariage ? Écoutez bien : ne terminez jamais la journée sans faire la paix. On s’est disputé, je t’ai dit des choses méchantes, mon Dieu, je t’ai dit des choses pas belles. Mais maintenant le jour se termine : je dois faire la paix. Savez-vous pourquoi ? Parce que la guerre froide du lendemain est très périlleuse. Ne permettez pas que le jour d’après commence en guerre. C’est pourquoi il faut faire la paix avant d’aller se coucher. Retenez-le pour toujours : jamais terminer la journée sans faire la paix. Et cela vous aidera dans votre vie matrimoniale. Ce chemin qui mène du coup de foudre à l’amour mature est exigeant, mais nous devons l’emprunter. La chasteté, la fidélité, le respect et l’écoute ne sont pas des vertus que l’on demande lors des fiançailles pour susciter des sentiments de culpabilité, mais pour indiquer cette direction qui seule peut donner à nos rêves la possibilité de se réaliser et d’être durables.
Et cette fois encore, nous concluons par une prière à Saint Joseph.
Saint Joseph,
toi qui as aimé Marie avec liberté,
et choisi de renoncer à ton imagination pour faire place à la réalité,
aide chacun d’entre nous à se laisser surprendre par Dieu
et à accueillir la vie non pas comme un événement imprévu dont il faut se défendre,
mais comme un mystère qui cache le secret de la vraie joie.
Obtiens à tous les fiancés chrétiens la joie et la radicalité,
tout en gardant toujours à l’esprit
que seuls la miséricorde et le pardon rendent possible l’amour. Amen.
24/11/2021 – Catéchèse sur saint Joseph – 2. Saint Joseph dans l’histoire du salut
Chers frères et sœurs, bonjour !
Mercredi dernier, nous avons commencé le cycle de catéchèse sur la figure de St Joseph – l’année qui lui est consacrée touche à sa fin -. Aujourd’hui, nous poursuivons ce parcours en nous arrêtant sur son rôle dans l’histoire du salut.
Dans les Évangiles, Jésus est désigné comme « fils de Joseph » (Lc 3,23 ; 4,22 ; Jn 1,45 ; 6,42) et « fils du charpentier » (Mt 13,55 ; Mc 6,3). Les évangélistes Matthieu et Luc, en racontant l’enfance de Jésus, accordent une place au rôle de Joseph. Tous deux composent une « généalogie » pour mettre en évidence l’historicité de Jésus. Matthieu, s’adressant surtout aux judéo-chrétiens, part d’Abraham pour arriver à Joseph, défini comme « l’époux de Marie, de qui est né Jésus, appelé le Christ » (1,16). Luc, lui, remonte jusqu’à Adam, en commençant directement par Jésus, qui » était le fils de Joseph « , mais précise : » à ce que l’on pensait » (3,23). Par conséquent, les deux évangélistes présentent Joseph non pas comme le père biologique, mais comme le père à plein titre de Jésus. Par lui, Jésus accomplit l’histoire de l’alliance et du salut entre Dieu et l’homme. Pour Matthieu, cette histoire commence avec Abraham, pour Luc avec l’origine même de l’humanité, c’est-à-dire avec Adam.
L’évangéliste Matthieu nous aide à comprendre que la figure de Joseph, bien qu’apparemment marginale, discrète, en arrière-plan, représente au contraire un élément central de l’histoire du salut. Joseph vit son protagonisme sans jamais vouloir s’imposer sur la scène. Si l’on y réfléchit, » nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues […]. Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et par des gestes quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant le regard et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous « . (Lett. ap. Patris corde, 1). Ainsi, tous peuvent trouver en saint Joseph, l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, de la présence discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments difficiles. Il nous rappelle que tous ceux qui sont apparemment cachés ou en « seconde ligne » ont un rôle sans égal dans l’histoire du salut. Le monde a besoin de ces hommes et de ces femmes : des hommes et des femmes en seconde ligne, mais qui soutiennent le développement de notre vie, de chacun de nous, et qui par la prière, par l’exemple, par l’enseignement nous soutiennent sur le chemin de la vie.
Dans l’Évangile de Luc, Joseph apparaît comme le gardien de Jésus et de Marie. Et pour cette raison, il est aussi « le Gardien de l’Église : mais, s’il a été le gardien de Jésus et de Marie, il travaille, maintenant que tu es au ciel, et continue à être le gardien, dans ce cas de l’Église ; parce que l’Église est le prolongement du Corps du Christ dans l’histoire, et en même temps dans la maternité de l’Église est esquissée la maternité de Marie. Joseph, en continuant de protéger l’Église, – s’il vous plait, n’oubliez pas ceci : aujourd’hui, Joseph protège l’Église, continue de protéger l’Enfant et sa mère » (ibid., 5). Cet aspect des soins prodigués par Joseph est la grande réponse au récit de la Genèse. Lorsque Dieu demande à Caïn de rendre compte de la vie d’Abel, il répond : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (4,9). Joseph, par sa vie, semble vouloir nous dire que nous sommes toujours appelés à nous sentir les gardiens de nos frères et sœurs, les gardiens de ceux qui nous sont proches, de ceux que le Seigneur nous confie à travers toutes les circonstances de la vie.
Une société comme la nôtre, que l’on a qualifiée de « liquide », parce qu’elle semble n’avoir aucune consistance. Je corrigerai le philosophe qui a inventé cette définition et dirai : plus que liquide, gazeuse, une société proprement gazeuse. Cette société liquide, gazeuse trouve dans l’histoire de Joseph une indication bien précise sur l’importance des liens humains. En effet, l’Évangile nous raconte la généalogie de Jésus, non seulement pour une raison théologique, mais aussi pour rappeler à chacun de nous que notre vie est faite de liens qui nous précèdent et nous accompagnent. Le Fils de Dieu, pour venir au monde, a choisi la voie des liens, le chemin de l’histoire : il n’est pas descendu dans le monde magiquement, non. Il a suivi le chemin historique que nous suivons nous tous.
Chers frères et sœurs, je pense à tant de personnes qui peinent à trouver des liens significatifs dans leur vie, et c’est précisément pour cette raison qu’elles luttent, qu’elles se sentent seules, qu’elles n’ont pas la force et le courage pour aller de l’avant. Je voudrais conclure par une prière pour les aider, ainsi que nous tous, à trouver en saint Joseph un allié, un ami et un soutien.
Saint Joseph,
toi qui as gardé le lien avec Marie et Jésus,
aide-nous à prendre soin des relations dans nos vies.
Que personne ne ressente ce sentiment d’abandon
qui vient de la solitude.
Que chacun se réconcilie avec sa propre histoire,
avec ceux qui l’ont précédé,
et reconnaisse, même dans les erreurs commises
une manière par laquelle la Providence s’est frayé un chemin,
et le mal n’a pas eu le dernier mot.
Révèle-toi ami avec ceux qui luttent le plus,
et comme tu as soutenu Marie et Jésus dans les moments difficiles,
ainsi soutiens-nous aussi dans notre chemin. Amen.
Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du Diocèse de Lyon. Le Seigneur a mis sur notre route des frères et sœurs qui souffrent, qui se sentent seules ou qui ont perdu force et courage. Sachons les reconnaître et que Saint Joseph nous aide à devenir leurs amis et leur soutien sur le chemin de vie. Que Dieu vous bénisse.
Résumé de la catéchèse du Saint-Père :
Frères et sœurs nous poursuivons aujourd’hui notre parcours sur Saint Joseph en nous arrêtant sur son rôle dans l’histoire du salut. Même si les évangélistes ne présentent pas saint Joseph comme le père biologique de Jésus, il est pourtant son père à plein titre puisque c’est à travers lui, comme l’expliquent les généalogies, que Jésus entre dans l’histoire de l’alliance entre Dieu et les hommes. La figure discrète de saint Joseph, apparemment marginale, est cependant centrale dans l’histoire du salut. Assumant sa mission sans jamais se mettre au premier plan, il est le modèle de toutes ces personnes dont le monde a besoin, qui, par leur présence quotidienne et cachée, intercèdent et soutiennent les autres dans les moments difficiles. Saint Joseph apparaît aussi comme le gardien de Jésus et de Marie. C’est pourquoi il est aussi le gardien de l’Eglise qui est le prolongement du Corps du Christ dans l’histoire. Tous ceux qui peinent peuvent trouver en lui un ami et un soutien. Par son exemple, il nous invite à être nous aussi les gardiens de nos frères, de ceux que le Seigneur nous confie à travers les circonstances de la vie.
17/11/2021 – Catéchèse sur saint Joseph – 1.
Dans la Bible, il y a plus de dix personnages qui portent le nom de Joseph. Le plus important d’entre eux est le fils de Jacob et de Rachel, qui, à travers diverses péripéties, est passé du statut d’esclave à celui de deuxième personnage le plus important d’Égypte après Pharaon (cf. Gn 37-50). Le nom de Joseph en hébreu signifie « Que Dieu augmente, que Dieu fasse grandir ». Il s’agit d’un souhait, d’une bénédiction fondée sur la confiance en la providence de Dieu et se référant particulièrement à la fécondité et à la croissance des enfants. En effet, ce nom même nous révèle un aspect essentiel de la personnalité de Joseph de Nazareth. C’est un homme plein de foi en Dieu, en sa providence : il croit en la providence de Dieu, il a foi en la providence de Dieu. Toutes ses actions relatées dans l’Évangile, sont dictées par la certitude que Dieu « fait croître », que Dieu « augmente », que Dieu « ajoute », c’est-à-dire que Dieu poursuit son dessein de salut. Et en cela, Joseph de Nazareth ressemble beaucoup à Joseph d’Égypte.
Également, les principales références géographiques de Joseph : Bethléem et Nazareth jouent un rôle important dans la compréhension de sa figure.
Dans l’Ancien Testament, la ville de Bethléem est appelée Beth Lechem, c’est-à-dire « Maison du pain », ou encore Ephrata, en raison de la tribu installée sur ce territoire. En arabe, cependant, le nom signifie « Maison de la viande », probablement en raison du grand nombre de troupeaux de moutons et de chèvres dans la région. Ce n’est pas par hasard, en effet, que lors de la naissance de Jésus, les bergers furent les premiers témoins de l’événement (cf. Lc 2, 8-20). À la lumière de l’histoire de Jésus, ces allusions au pain et à la viande renvoient au mystère eucharistique : Jésus est le pain vivant descendu du ciel (cf. Jn 6, 51). Il dira de lui-même : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6, 54).
Bethléem est mentionnée plusieurs fois dans la Bible, à partir du livre de la Genèse. Bethléem est également liée à l’histoire de Ruth et de Noémie, racontée dans le petit mais merveilleux livre de Ruth. Ruth a donné naissance à un fils appelé Obed, qui à son tour a donné naissance à Jessé, le père du roi David. Et c’est de la lignée de David qu’est issu Joseph, le père légal de Jésus. Au sujet de Bethléem, ensuite le prophète Michée a prédit de grandes choses : « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël » (Mi 5, 1). L’évangéliste Matthieu reprendra cette prophétie en la reliant à l’histoire de Jésus comme son accomplissement évident.
En effet, le Fils de Dieu ne choisit pas Jérusalem comme lieu de son incarnation, mais Bethléem et Nazareth, deux villages périphériques, loin des clameurs de la chronique et du pouvoir de l’époque. Pourtant, Jérusalem était la ville aimée du Seigneur (cf. Is 62, 1-12), la « ville sainte » (Dn 3, 28), choisie par Dieu pour y habiter (cf. Za 3, 2 ; Ps 132, 13). C’est là, en effet, qu’habitaient les maîtres de la loi, les scribes et les pharisiens, les grands prêtres et les anciens du peuple (cf. Lc 2, 46 ; Mt 15, 1 ; Mc 3, 22 ; Jn 1, 19 ; Mt 26, 3).
C’est pourquoi le choix de Bethléem et de Nazareth nous indique que la périphérie et la marginalité sont privilégiées par Dieu. Jésus n’est pas né à Jérusalem avec toute la cour… non : il est né dans une périphérie et il a passé sa vie, jusqu’à l’âge de 30 ans, dans cette périphérie, faisant le métier de charpentier, comme Joseph. Pour Jésus, les périphéries et les marginalités sont privilégiées. Ne pas prendre au sérieux cette réalité revient à ne pas prendre au sérieux l’Évangile et l’œuvre de Dieu, qui continue à se manifester dans les périphéries géographiques et existentielles. Le Seigneur agit toujours en secret dans les périphéries, même dans notre âme, dans les périphéries de l’âme, des sentiments, peut-être des sentiments dont nous avons honte ; mais le Seigneur est là pour nous aider à avancer. Le Seigneur continue à se manifester dans les périphéries, tant géographiques qu’existentielles. En particulier, Jésus va à la recherche des pécheurs, entre dans leurs maisons, leur parle, les appelle à la conversion. Et on le lui reproche : « Mais regardez, ce maître – disent les docteurs de la loi – regardez ce maître, il mange avec les pécheurs », il se salit, il va chercher ceux qui n’ont pas fait le mal mais qui l’ont subi : les malades, les affamés, les pauvres, les petits derniers. Jésus va toujours vers les périphéries. Et cela doit nous donner une grande confiance, car le Seigneur connaît les périphéries de notre cœur, les périphéries de notre âme, les périphéries de notre société, de notre ville, de notre famille, c’est-à-dire cette partie un peu obscure que nous ne faisons pas voir, peut-être par honte. Mais il va à la recherche également de ceux qui n’ont pas fait le mal mais qui l’ont subi : les malades, les affamés, les pauvres, les plus petits.
À cet égard, la société de l’époque n’est pas très différente de la nôtre. Aujourd’hui aussi, il y a un centre et une périphérie. Et l’Église sait qu’elle est appelée à annoncer la bonne nouvelle à partir des périphéries. Joseph, qui est un charpentier de Nazareth et qui a confiance dans le plan de Dieu pour sa jeune fiancée et pour lui-même, rappelle à l’Église de fixer son regard sur ce que le monde ignore délibérément. Aujourd’hui, Joseph nous enseigne ceci : « Ne regarde pas tant les choses que le monde loue, regarde les recoins, regarde les ombres, regarde les périphéries, ce que le monde ne veut pas ». Il rappelle à chacun d’entre nous de donner de l’importance à ce que les autres rejettent. En ce sens, il est véritablement un maître de l’essentiel : il nous rappelle que ce qui est vraiment précieux n’attire pas notre attention, mais nécessite un discernement patient pour être découvert et valorisé. Découvrir ce qui a de la valeur. Demandons-lui d’intercéder afin que toute l’Église retrouve cette clairvoyance, cette capacité de discerner et cette capacité d’évaluer l’essentiel. Repartons de Bethléem, repartons de Nazareth.
Aujourd’hui, je voudrais adresser un message à tous les hommes et les femmes qui vivent dans les périphéries géographiques les plus oubliées du monde ou qui connaissent des situations de marginalisation existentielle. Puissiez-vous trouver en saint Joseph le témoin et le protecteur vers lequel vous tourner. Nous pouvons nous adresser à lui avec cette prière, une prière « artisanale », mais qui sort du cœur :
Saint Joseph,
toi qui toujours as fait confiance à Dieu,
et as fait tes choix
guidé par sa providence
apprends-nous à ne pas tant compter sur nos projets
mais sur son dessein d’amour.
Toi qui viens des périphéries
aide-nous à convertir notre regard
et à préférer ce que le monde rejette et marginalise.
Réconforte ceux qui se sentent seuls
et soutiens ceux qui travaillent en silence
pour défendre la vie et la dignité humaine. Amen.
Pape François
