HOMELIES

VLA 2025 22ème dimanche du temps Ordinaire, année C

Quelle doit être l’attitude du chrétien quand il est invité à des noces, à des réceptions, et élargissons, à des responsabilités dans la paroisse, l’Église, le monde ?

Doit-il toujours choisir la dernière place et laisser la première aux autres même si, à la limite, ce sont des ennemis du Christ ou de l’Église ?

Ou bien le chrétien doit-il se battre pour avoir la première place, qui n’est peut-être pas synonyme de la meilleure, pour prendre les choses en main et les orienter selon l’Évangile ? A laisser toujours les autres prendre les responsabilités et les décisions, ne finit-on pas par tomber dans la critique systématique et la démobilisation ?

Quelle attitude doit être la nôtre dans l’Église et dans le monde ?

Il y a, nous le savons, comme une contradiction apparente dans l’éducation d’un être humain, de son enfance à l’âge adulte, contradiction entre l’éducation naturelle et l’éducation surnaturelle.

L’objectif de l’éducation naturelle, c’est une évidence, vise à l’autonomie de l’enfant :  plus l’enfant grandit, plus il doit apprendre à se débrouiller par lui-même, pour en arriver à une certaine indépendance, pour tenir debout tout seul, pour parvenir à une authentique liberté qui lui permettra de faire plus tard de bons choix.

A l’inverse, l’éducation spirituelle, surnaturelle vise aussi la liberté mais par un chemin inverse : non pas l’autonomie, mais une dépendance ; non pas à faire les choses nous-mêmes, mais à laisser Dieu agir en nous. « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.» Mt 18, 3. L’enfant, c’est justement celui qui se laisse faire. Mystérieusement, cette éducation spirituelle aboutit, elle aussi, à la liberté, à une liberté encore plus grande.

Dans les deux cas, le but est la liberté, à des niveaux différents et par des chemins inverses.

Plus nous progressons humainement, plus nous avons de capacités, de talents et de compétences qui nous permettent d’agir dans le monde et sur le monde.

Plus nous grandissons en sainteté, c’est-à-dire sous la conduite de l’Esprit, plus nous sommes sous son emprise et c’est lui qui décide de notre chemin. C’est lui qui doit agir en nous, non pas en contredisant notre liberté, mais en la sollicitant, afin qu’elle soit mesurée non pas seulement par des vérités humaines, mais par la vérité de Dieu. Car la liberté se mesure toujours à la vérité.

Les textes que nous méditons en ce jour rejoignent ces convictions et les éclairent.

Il ne s’agit pas pour le chrétien de toujours refuser les responsabilités, les honneurs, la première place, mais toujours il doit attendre, recevoir cela de Dieu lui-même. Dieu est premier. C’est Lui qui doit être servi en premier, cherché en premier. C’est Lui qui doit nous conduire. Et non pas nous qui devons L’obliger à se plier à nos convictions ou nos décisions, à nos manières de faire.

Si le Seigneur nous invite à choisir la dernière place, comme dans l’Évangile, il faut bien sûr le faire, mais à condition de garder une intention droite. Car ce serait contredire la volonté du Seigneur, et pervertir notre choix, que de choisir la dernière place dans l’unique espoir qu’on vienne nous chercher pour nous donner la première. Il y aurait là une décision, – choisir la dernière place -, marquée par l’orgueil, pourrie par l’orgueil.

Nous savons bien qu’une des catégories les plus vilipendées par Jésus dans l’Évangile, ce sont les pharisiens – il est dans l’Évangile chez un chef des pharisiens : ils ont cette hypocrisie qui fait divorcer leurs actes de leurs paroles et leurs paroles de leurs intentions profondes. « Ils disent et ne font pas » Mt 23,3. Ils donnent l’apparence mais à l’intérieur c’est le contraire, façade sublime, intérieur pourri (cf. Mt 23, 27).

Il est toujours difficile pour un homme, pour une femme, appelé à de grandes ou de hautes responsabilités de ne pas en tirer quelque orgueil. Mais c’est la marque sans doute non seulement de la sainteté mais aussi d’une grande intelligence que de rester humble en toute circonstance. 

Si la liberté est mesurée par la vérité, comme nous venons de le dire, c’est-à-dire que la valeur d’un acte libre, d’un choix que nous posons est mesuré par la vérité, il en va de même pour l’humilité. Elle a une grande connivence avec la vérité. Il y a de fausses humilités qui manifestent un véritable orgueil.

La première lecture nous rappelle tout cela d’une manière simple et paternelle de la part de Dieu : « Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser. »

Jésus lui-même reprend dans l’Évangile cette opposition : « quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » et Marie ne chante pas autre chose dans son magnificat : « il élève les humbles ».

L’humble, c’est celui qui écoute les autres plutôt que de s’écouter lui-même. Écouter les autres sans doute, mais Dieu d’abord. Voilà pourquoi le livre de Ben Sira conclut en disant : « L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. »

L’idéal du sage : une oreille qui écoute. Si l’oreille n’écoute pas, que pourra bien dire la langue ? Rien d’autre que des choses tirées d’elles-mêmes, sans profondeur, coupées de la sagesse de Dieu et de celle de l’humanité.

Écouter, c’est toujours dépendre de ce que l’on écoute et de qui on écoute. Voilà aussi pourquoi il ne faut pas écouter n’importe qui ou n’importe quoi. C’est vrai en politique, dans le commerce, dans la culture, la musique etc…  

C’est dans cette dépendance que se forge l’authentique liberté. Un enfant qui n’écoute pas ses parents ne pourra pas profiter de leurs conseils, de leur expérience… il se comporte comme s’il était le premier venu, le premier à savoir, le premier et donc le seul à comprendre …

Il en va de même pour chacun de nous avec Dieu. L’écouter, c’est puiser à la source même de la sagesse, de la vérité. C’est donc la condition pour être vraiment libre. Personne ne donnera de définition plus juste de la liberté que celle qu’en donne saint Paul, décidément insurpassable, dans la deuxième lettre aux Corinthiens : « Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » 2 Co 3, 17.

Ajoutons que là où est la liberté, là est possible l’amour … ! Car l’amour est toujours libre. Il vient d’ailleurs de la même source ! « L’amour vient de Dieu » (1 Jn 4, 7). Et qui dit amour, dit gratuité. La dernière partie de la parabole nous le rappelait. Tout ce qui est fait par amour est fait gratuitement. Tout ce qui est fait en espérant un petit bénéfice pour soi est perverti par l’égoïsme qui tient souvent la main de l’orgueil.

Humilité, vérité, liberté, amour : tout cela se trouve dans ce que l’on appelle un cœur pur.

            Il y a dans le cœur pur, humilité, vérité, liberté, amour gratuit … Il y a même Dieu Lui-même : « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » !

Seigneur, donne-nous un cœur pur, simple, humble, libre, capable d’aimer en vérité !

2024/31TO/B VLA – Homélie du 31ème dimanche (3 Novembre)

2024/30TO/B    VLA

Bartimée est aveugle. C’est l’Évangile qui le dit. Même les yeux ouverts, il ne voit rien. Même en plein jour, il ne voit rien. Ses yeux, organes de la vue, ne remplissent pas leur office. 

Mais l’Évangile nous dit quelques phrases plus loin que Bartimée est capable de bondir et de courir à la rencontre de Jésus qui l’appelle, alors qu’il est toujours aveugle …  L’Évangile est-il bien cohérent ? On peut se le demander ….

 Comment est-il possible pour un aveugle de courir à la rencontre de quelqu’un sans tomber, sans se heurter à un obstacle, ici dans l’Évangile, aux disciples et à la foule qui entourent Jésus ?

Peut-être … sans doute … certainement Bartimée est bien aveugle. Mais il en va des yeux comme de nombreux autres organes ou sens de notre corps : leur signification dépasse leur fonction propre et immédiate.

Quand on dit d’une personne qu’elle a les yeux plus gros que le ventre …, l’expression est toute symbolique et ne décrit pas de particularité physique !

Quand une personne dit à une autre personne qu’elle l’aime de tout son cœur, cela ne veut pas dire qu’elle l’aime avec une partie seulement de ce qu’elle est mais avec tout son être. Le cœur est le symbole de toute la personne. Le Pape François vient de nous le rappeler dans une encyclique sur le Sacré Cœur, le Cœur du Christ qui est aussi le « cœur du monde » dit le Pape au paragraphe 31. « La dévotion au Cœur du Christ n’est pas le culte d’un organe séparé de la personne de Jésus, dit-il encore. Nous contemplons et adorons Jésus-Christ tout entier, le Fils de Dieu fait homme » (§ 48).

Quand on dit de quelqu’un qu’il va se faire tirer les oreilles, on ne dit pas qu’on va lui agrandir les oreilles mais qu’on va lui remonter les bretelles …

Quand on dit de quelqu’un qu’il refuse de plier le genou, on ne dit pas qu’il a de l’arthrose ; on dit simplement qu’il refuse de se soumettre ou d’adorer. 

Quand un homme demande la main, uniquement la main de sa fiancée, – il ne lui viendrait pas à l’idée de demander autre chose ! – nul ne doute qu’il demande et désire plus que la main !

Quand la Vierge Marie dit du Seigneur que « déployant la force de son bras, il disperse les superbes », elle ne dit pas que Jésus a passé des heures en salle de musculation. Elle dit la puissance infinie de Dieu qui se déploie au service de l’humanité.

Ainsi quand l’Évangile dit que Bartimée est aveugle, il peut dire qu’il ne voit rien de ses yeux de chair, mais il peut dire davantage ou autre chose.

Dans la Bible, la vue est le sens qui évoque la finalité. Être aveugle, c’est donc ne pas savoir où l’on va, être perdu, désorienté, sans but. A l’inverse, dire « Je veux voir Dieu », c’est donner son sens ultime à notre vie.

L’aveuglement de Bartimée peut vouloir dire que sa vie n’a pas de sens. Et de fait, il est là, assis, au bord du chemin. Il ne bouge pas, alors que la foule défile devant lui. Il a beau regarder, il ne voit rien. Les gens passent, circulent, vont et viennent. Lui, ne bouge pas.  

Beaucoup de nos contemporains, et nous peut-être parfois, sommes comme Bartimée. Nous restons assis au bord du chemin ou dans notre canapé, dirait le Pape François, et nous laissons le monde aller et le temps passer. Nous laissons les autres prendre des décisions. Nous laissons les évènements s’annoncer puis se produire, sans jamais vouloir intervenir : nous sommes spectateurs, spectateurs souvent critiques, ou spectateurs parce que critiques et nous disons facilement que tout va mal. Et ce n’est pas faux ! Nous le voyons bien mais nous n’agissons pas. Les écrans qui nous cernent de toute part aggravent ce phénomène. Nous laissons les choses advenir, les autres agir. Nous voyons que tout va mal mais nous ne voyons pas comment cela pourrait aller mieux, ce que nous pourrions faire pour que cela aille mieux : nous sommes aveugles. Sur Dieu, sur les autres, sur nous-mêmes.

À tout moment, Jésus peut passer dans notre vie et nous appeler, nous réveiller, nous rendre la vue, faire tomber de nos yeux les écailles qui, comme chez saint Paul, l’empêchaient de voir. Le Seigneur peut nous rendre la vue à tout moment, sur nous-mêmes, sur notre situation personnelle, sur les autres, sur les évènements du monde, sur leurs causes et leurs conséquences, sur la responsabilité de chacun.

À tout moment, il peut nous montrer ce que jusqu’à présent nous n’avons pas vu ou pire ce que jusqu’à présent nous avons refusé de voir, en nous, chez les autres, dans le monde.

Quand il appelle, Jésus n’appelle pas simplement pour le plaisir d’appeler. Dans son appel, il y a une vocation, un don, un sens qui est donné.

Quand Bartimée retrouve la vue, il ne retourne pas s’asseoir au bord du chemin pour dire : maintenant je verrai les gens passer, ce sera plus intéressant, plus distrayant.

Il prend lui-même le chemin ; il se met à la suite du Christ qui est le Chemin et qui conduit vers le Père. Rendre la vue à Bartimée, c’est surtout redonner un sens, une direction à sa vie. 

Alors n’ayons pas peur de prier, voire de crier comme Bartimée : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » et de répéter souvent cette simple prière, « Jésus, prends pitié de moi ! ».

Le Seigneur sait ce dont nous avons besoin, il connaît nos aveuglements. Il veut nous appeler mais Bartimée nous montre que nous pouvons aussi appeler Jésus !

L’appeler pour qu’il nous sauve, non seulement des aveuglements que nous constatons mais aussi de ceux qui nous échappent ! L’appeler, non pas seulement pour une guérison limitée, pour notre confort personnel, mais pour que nous puissions le suivre sur le chemin au plus près de lui, non pas le chemin que nous décidons mais celui qu’il ouvrira devant nous. Retrouver la vue pour le suivre, lui, pour faire la volonté du Père, pour grandir en sainteté. « Jésus, prends pitié de nous ! ».

Tous les saints que nous allons célébrer dans la joie cette semaine ont suivi le Christ sur le chemin balisé par l’Évangile, par la Parole de Dieu. Ce sont des Bartimée qui voient Dieu maintenant et pour l’éternité.

Tous les saints ont prié comme nous l’avons fait au début de cette messe :

« Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ; et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous aimer ce que tu commandes. »

Et tous les défunts pour qui nous prierons le lendemain, ont peut-être manqué de foi, d’espérance et de charité ; ils n’ont pas assez aimé ce que Dieu commandait, n’ont pas assez prié pour obtenir ce que Dieu leur réservait.

« Jésus, prends pitié de nous ! », prends pitié d’eux !

Messe de rentrée – 26ème dimanche du Temps Ordinaire. 29 septembre 2024.

Permettez-moi, pour commencer, de confesser ma joie, notre joie : celle de voir cette messe de rentrée, où nous sommes si nombreux, où nous sommes si jeunes, présidée par Samuel Roux, tout nouveau Prêtre de Jésus-Christ, un prêtre de huit jours !, et qui, joie supplémentaire, est nommé dans notre ensemble paroissial.

Assurons-le de notre prière. Nous comptons sur la grâce de son ministère ; qu’il puisse compter sur notre aide et notre soutien fraternel.

Joie encore pour l’Église et pour nous, même si d’autres vont en profiter, parce que cet après-midi sera ordonné Prêtre en la basilique de Saint-Denis en France, Louis Chauvière, qui a été séminariste parmi nous pendant deux ans.

Joie de retrouver aussi pour cette année Clément et Valentin qui continuent leur route vers le Sacerdoce.

Joie enfin d’être là tous ensemble, frères et sœurs, et joie d’accueillir tous ceux qui, pendant l’été ou au début du mois de septembre, ont rejoint notre communauté paroissiale : qu’ils soient les bienvenus. Nous ne pouvons qu’être enrichis de leur présence.

L’Évangile, frères et sœurs, que nous venons d’entendre, n’est pas fait pour les mollassons, nous l’avons compris. « La mollesse et l’oraison ne vont pas ensemble » disait sainte Thérèse d’Avila dans le Chemin de la Perfection (chapitre 4).

La mollesse et l’Évangile ne peuvent pas faire bon ménage ! Le passage que nous venons d’entendre tranche avec un langage diplomatique, convenu, politiquement ou spirituellement correct.

Il nous rappelle sur un point précis les exigences de la vie chrétienne, une des exigences de la vie chrétienne : en chacun de nous, la lutte contre le péché est un signe de vitalité spirituelle.

En remontant d’une lecture, nous tombons sur des paroles tout aussi tranchantes : celles de saint Jacques à propos des « richesses pourries ». Si nous sommes concernés, nous trouverons certainement un grand soulagement en déposant tout à la quête dans quelques instants.

En remontant enfin jusqu’à la première lecture, le Livre des nombres nous rappelle, frères et sœurs, que toutes les exigences de la vie chrétienne ne sont possibles que si nous sommes d’abord accueillants, si nous sommes habités, si nous sommes conduits par l’Esprit Saint. C’est nous le savons, la devise de notre évêque qui viendra nous rendre visite samedi : « Marchons sous la conduite de l’Esprit ». 

L’Esprit qui reposait sur Moïse repose maintenant sur les 70 anciens, mais cette Pentecôte était momentanée et partielle : ils n’étaient que 70 et cela ne dura pas.

Lors de la nouvelle Pentecôte, nous le savons, l’Esprit Saint ne sera pas réservé aux Douze Apôtres, mais sera répandu sur toute l’Église, et ce, de manière définitive. L’Église, depuis ce jour, est le signe visible de la présence de l’Esprit.

Qui veut vivre de l’Esprit doit venir à l’Église. C’est de l’Église que nous recevons l’Esprit Saint. C’est elle qui prépare nos cœurs à l’accueillir … c’est elle qui nous le donne. S’il n’y a plus de prophètes, c’est non seulement parce que Celui que les prophètes annonçaient est déjà venu mais aussi parce que le rôle prophétique est passé tout entier à l’Église.

Notre vie chrétienne, qui a commencé au jour de notre baptême, est une vie sous la conduite de l’Esprit. Elle est donc une vie prophétique, d’autant plus prophétique qu’elle est plus chrétienne, c’est-à-dire d’autant plus conforme et fidèle à la volonté de Dieu.

Là encore, il faudrait trouver des paroles aussi justes que tranchantes pour souligner la radicalité évangélique, la radicalité d’une vie entièrement soumise à l’Esprit Saint.

Radical vient du latin radix, qui signifie : racine. Nos racines sont en Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Et la Parole de Dieu, qui est, écrit saint Paul dans la Lettre aux Éphésiens, le glaive de l’Esprit, la Parole de Dieu semée dans nos cœurs, doit elle aussi prendre racine en nous pour porter du fruit.

La foi catholique dit que par le baptême nous sommes devenus non seulement enfants de Dieu, mais aussi prêtres, prophètes et rois.

« Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ! » s’écriait Moïse !

A la Pentecôte, le Seigneur a fait de tout son peuple un peuple de prophètes.

            Insistons, en ce jour de rentrée, sur notre vocation prophétique : nous sommes faits pour annoncer le Christ Sauveur ! Nous sommes faits pour témoigner de son salut, de son amour, de sa miséricorde invincible. Nous sommes faits pour rendre présente la Bonne Nouvelle : celle qui nous réjouit et qui peut réjouir le cœur de tout homme.

« Ouvre-toi ! Le Seigneur a fait entendre les sourds et parler les muets ; qu’il te donne d’écouter sa parole, et de proclamer la foi pour la louange et la gloire de Dieu le Père » est-il dit à chaque baptême. Pas seulement écouter mais aussi proclamer !

            Prenons une comparaison : nous sommes dans cette église, faite de béton gris et de vitraux aux couleurs chaudes.

Le soleil, – Dieu est un soleil, dit la Bible, mais le soleil n’est pas un dieu – , qui darde ses rayons sur notre église, se heurte à toute la surface bétonnée qui en quelque sorte lui fait écran, tandis que les vitraux, tout en devenant lumineux, laissent entrer la lumière dont nous pouvons profiter.

Les chrétiens que nous sommes doivent ressembler à des vitraux qui laissent passer Dieu, l’Esprit Saint, plutôt qu’à des murs qui font écran. Le soleil se donne autant dans les rayons qui s’arrêtent sur la surface en béton que sur les vitraux. Dieu se donne à tous les chrétiens, mais certains fonctionnent comme des écrans, des murs : ils reçoivent la lumière sans la transmettre et n’en sont pas transformés non plus ! Ils écoutent mais ne proclament pas !

D’autres ressemblent et « fonctionnent » comme des vitraux : le vitrail, tout en profitant de cette lumière reçue, – c’est une grâce -, la communique aux autres, teintée, il est vrai, de ses couleurs, on pourrait dire de sa personnalité.

Toutes les lumières que nous recevons de Dieu ne sont pas seulement pour nous personnellement ou pire, égoïstement. Elles nous sont données pour que d’autres puissent être à leur tour illuminés.

Puissions-nous, tout au long de cette nouvelle année, vivre en enfants de lumière !

Ensemble, accueillons le Christ, annonçons le Christ !

Ensemble, laissons-nous aimer ; aimons comme Il nous aime !

Seigneur, puisque tu veux donner ton Esprit à ceux qui te le demandent, obéissants à ton désir, nous te prions et nous te demandons : donne-nous ton Esprit Saint !

En cet instant, en ce jour, et tout au long de cette année, envoie ton Esprit Saint sur chacun de nous, Seigneur, et sur toute notre assemblée !

Homélie du 15 Août 2024 : VLA 2024      Assomption

Il y a une loi de la nature qui s’impose à tous, et même à toute créature inanimée.

C’est une loi qui nous tire vers le bas. La force de la gravité attire vers la terre. Voilà pourquoi monter exige plus d’énergie que descendre. Et tout ce que nous tenons dans nos mains, si nous le lâchons, tombe à terre. C’est la chute inexorable de tout ce qui n’est pas maintenu par une force à une certaine hauteur.

Le mot de chute est utilisé aussi pour évoquer la première faute de nos parents, le péché originel. Les théologiens parlent de la chute parce qu’Adam et Ève, avant de commettre leur faute, vivaient, nous pourrions dire à la hauteur de Dieu, en tout cas à la hauteur où Dieu les avait placés. Mais s’étant séparés de Dieu par un péché de désobéissance, voilà qu’ils sont renvoyés au plancher des vaches.

Ils ne sont plus en communion avec Dieu ; ils ne sont plus en communion l’un avec l’autre ; ils ne sont plus en communion avec la création.

Depuis cette chute, source de toutes les autres chutes, la pédagogie divine a mis tout en œuvre pour relever l’homme, sans se contenter de le relever simplement, parce qu’il pourrait alors toujours retomber jusqu’à désespérer, mais en l’élevant au-dessus de lui-même et au-dessus même de ce qu’il était avant la chute.

Nous le savons, le relèvement et l’élévation de l’homme, à qui il est proposé – ce n’est pas une obligation – de participer à la vie divine, ont coûté, si ce n’est une chute au sens propre, un abaissement inouï, non seulement lors d’une première étape qui est celle de l’Incarnation quand Dieu se fait homme, mais aussi à la deuxième, celle de la Rédemption : quand Dieu, qui s’est fait homme, accepte de vivre et de subir pour nous, pécheurs la Passion. Par cet abaissement, il est venu nous chercher, et nous rappeler que nous étions tombés bien bas. Par son Ascension, son élévation au ciel, le 40e jour après Pâques, il nous montre le chemin, celui du ciel, c’est-à-dire de la communion parfaite avec Dieu pour l’éternité, la hauteur à laquelle Il veut nous élever.

Ce chemin du ciel, le Seigneur, nous l’a ouvert, mais il invite chacun de nous à tout mettre en œuvre pour le parcourir. Et ce chemin est celui d’une montée, d’une élévation et donc d’un effort. Marie nous dit, par le mystère de son Assomption, que nous devons parcourir ce chemin et atteindre le but, tout entiers : ce n’est pas seulement notre âme qui est sauvée, mais aussi notre corps. Le Christ est ressuscité. Il est au ciel avec son corps. La Vierge Marie entre aujourd’hui avec son corps dans la gloire du ciel. Ce dogme de l’Assomption répond à celui de l’Immaculée Conception. Parce que le corps de Marie n’est pas touché par le péché, il n’a pas de raison de se corrompre et de retourner en poussière. Il entre intact, immaculé dans la gloire de Dieu. 

Marie monte au ciel. Le seul verbe monter – en fait elle ne monte pas elle est « montée », élevée, – Assumpta est Maria -. Ce n’est pas elle qui agit : elle ne monte pas au ciel par ses propres forces ; évidemment c’est Dieu qui l’élève jusqu’à Lui.

Le verbe monter peut décrire finalement toute la vie chrétienne, toute la vie spirituelle. Cela est parfois même entré dans le titre d’œuvres spirituelles célèbres, comme la Montée du Carmel de Saint-Jean de la Croix ; ou, en utilisant une autre image biblique : L’échelle sainte ou du paradis de saint Jean Climaque.

Monter : la liturgie de ce jour l’évoque.

La première oraison disait que Marie était élevée jusqu’à la gloire du ciel. L’oraison sur les offrandes nous fera demander à Dieu « que monte vers lui » l’offrande que nous lui présentons, et que nos cœurs brûlants de charité aspire toujours à monter vers le Seigneur.

Nous connaissons cette définition classique de la prière : une élévation de l’âme vers Dieu. Il existe même dans le livre des psaumes, 15 psaumes qualifiés de « psaumes des montées » : (soit 10%) ! Autrement dit, toute notre vie est une montée vers Dieu, une ascension vers le ciel. Le comprennent particulièrement bien ceux qui veulent bien se laisser attirer par Dieu, ceux qui veulent bien répondre à cette attirance, à cette attraction de Dieu. 

Certains mouvements de jeunes avaient résumé leur pédagogie par ce verbe : monter. Monter résumait d’un mot, par exemple, la pédagogie des Cœurs vaillants, pédagogie dénommée plus précisément, ascension personnelle, où toutes les dimensions de la personne devaient s’orienter vers Dieu et monter vers Dieu.

Souvent la Bible évoque ces montées, à Jérusalem, au Sinaï, au Thabor, sur le mont des béatitudes… C’est un thème que Jésus reprend lui-même : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » (Mt 23, 12) ce qui nous alerte aussi sur le genre d’élévation que le Seigneur attend de nous.

Marie elle-même, dans son magnificat, n’est pas en reste : « Il élève les humbles ».

Monter suppose toujours un effort… C’est le contraire du laisser aller, ce laisser aller qui peut concerner tous les domaines de notre vie : de l’habillement à la nourriture, du travail aux vacances, de la vie du corps à la vie spirituelle, de l’amour.

Mais cet effort consiste essentiellement à tout faire pour laisser Dieu faire ! Ce n’est pas se dépasser ou se surpasser mais se dépouiller, pour se laisser envahir par le Seul qui puisse nous sauver, nous élever, nous faire monter, non pas sur un podium éphémère mais dans la gloire du Ciel.

Monter suppose de descendre, non pas en se laissant aller et tomber mais en cherchant le chemin étroit de la vérité et donc de l’humilité. Marie le chante dans son Magnificat : Il élève les humbles. Elle reste le modèle le plus réussi de cette humilité qui élève jusqu’à Dieu.

En ce jour où nous la célébrons dans le mystère de son Assomption, nous nous confions à elle. Nous lui confions la France dont elle est la sainte Patronne. Marie veille-t-elle sur la France plus que sur d’autres Patries ? En tout cas, la France est honorée des nombreuses apparitions mariales plus que bien d’autres pays. Est-ce un privilège ? Est-ce au contraire le signe que la « Fille aînée de l’Église » est la fille la plus désobéissante et quelle a besoin de nombreux rappels de la part de sa Mère ?

Les nations ont-elles une mission, une vocation particulière ?

« Les nations […] ont un rôle providentiel à remplir dans l’histoire de l’humanité, une note particulière à donner entre le moment où elles naissent et celui où elles disparaissent. (C’est) la grande idée de la nation que Soloviev proposait dans ses conférences de 1888 : « l’idée d’une nation n’est pas ce qu’elle pense d’elle-même dans le temps, mais ce que Dieu pense sur elle dans l’éternité… ». Œ. C. XI – Exigences chrétiennes en politique –  1944-1947 – p. 516.

C’est pourquoi, en ce jour, les évêques de France nous invitent à une prière spéciale.

On mesure la vitesse vertigineuse de notre chute quand on se rappelle les paroles de Bernanos à propos de la culture française :

« La culture française est une œuvre d’art (…). (…) la culture française (est) une manière de vivre, je pourrais dire exactement encore que c’est une manière d’aimer. Et d’abord d’aimer la vie. Qui s’approche de nous, de notre civilisation, de notre histoire, doit d’abord rendre avec nous hommage à la vie, aimer la vie ». Bernanos, La culture Française, pleiade 2 ; p. 930-931

On semble être passés d’aimer la vie à aimer la mort !

En contemplant l’Assomption de Marie, nous pouvons méditer tout spécialement le mystère de la fin de vie qui pour nous est le moment où nous remettons notre vie, notre esprit entre les mains de Dieu pour qu’Il nous élève lui-même, quand il voudra, comme Il voudra, dans son Royaume.

Voici la prière que nous faisons en communion avec tous nos évêques et tous les catholiques de France, réunis en ce jour de l’Assomption :

Seigneur notre Dieu, en ce jour béni de l’Assomption, nous te rendons grâce pour la Vierge Marie, la Mère de ton Fils, le Sauveur du monde. Nous te bénissons pour la part que tu lui as réservée auprès de Toi au terme de sa vie terrestre. Son Assomption nous indique la grandeur de notre propre dignité puisque nous croyons que tous, corps et âme, nous sommes appelés aussi à partager Ta Gloire.

Par l’intercession de Notre-Dame, nous te prions d’aider les disciples du Christ à être des témoins de la dignité humaine. Donne-leur de demeurer attentifs et disponibles aux personnes plus fragiles ou vulnérables et spécialement, en ce temps estival, les personnes âgées ou malades, qui souffrent souvent de solitude.

Alors que la question d’une loi sur la fin de vie revient dans l’actualité, nous te prions pour nos gouvernants : donne-leur une vive conscience de la grandeur inaliénable de toute vie, de son commencement à son terme naturel, pour que jamais nous ne soyons contraints de nous demander qui est digne de vivre et qui ne l’est pas.

Homélie du 18 Février 2024 : 2024 Carême/B/1

Mercredi, par la liturgie des Cendres, nous sommes entrés dans le temps du Carême. Aujourd’hui, premier dimanche de ce temps de grâce, nous continuons en quelque sorte notre mise en route sur le chemin qui nous conduit à Pâques, sur la route qui, d’année en année, nous permet de nous approcher du royaume de Dieu, du royaume de la Résurrection.

Je voudrais vous proposer quelques repères pour vous aider à vivre ce Carême, en puisant tout simplement dans la liturgie de l’Église, notre Mère. La liturgie est la première pédagogue de l’Église pour ses enfants, pour les enfants que nous voulons être. Il suffit de savoir compter jusqu’à … 3 ! Aujourd’hui, où nous faisons mémoire de sainte Bernadette de Lourdes, nous nous souvenons de l’invitation de la Vierge Marie au cours du carême de 1858, répétée trois fois : « Pénitence, pénitence, pénitence ! »

Au premier jour du Carême, le mercredi des Cendres, la Parole de Dieu nous rappelait 3 pistes d’action bien connues : la prière, l’aumône et le jeûne, que nous devons pratiquer dans le secret car il s’agit d’abord d’œuvres accomplies pour Dieu. Le Seigneur Jésus nous invite donc à une certaine discrétion : ton Père « qui voit dans le secret te le rendra ». Même si cela est ignoré de tous, notre Père n’oubliera pas de nous récompenser, comme Il veut et quand Il veut. L’oraison du vendredi après les Cendres nous rappelle que prière, aumône et jeûne doivent évidemment être pratiqués « d’un cœur sincère ».

Prier, jeûner et faire l’aumône nous entraîne au « combat spirituel », selon l’expression de l’oraison du mercredi des Cendres, combat qui s’exerce d’abord contre les tentations.

Même si saint Marc ne le précise pas, nous savons par saint Matthieu et par saint Luc que les tentations sont au nombre de 3.

Prier, jeûner et faire l’aumône nous rend plus forts pour lutter contre toutes les tentations qui sont toutes incluses dans les 3 tentations subies par le Christ et qui concernent 1) l’avoir, à travers le pain, 2) le pouvoir, sur les royaumes, 3) l’orgueil, d’être servi par les anges, de se croire meilleur que les autres, de se prendre pour Dieu.

L’oraison après la communion de la messe de ce jour nous fixe encore 3 vertus à faire grandir. Pendant ce temps du Carême notre participation à la messe doit 1) nourrir notre foi, 2) stimuler notre espérance, 3) fortifier notre charité. Nourrir notre foi, c’est l’œuvre de la prière, tandis que le jeûne stimulera notre espérance : nous attendons tout de Dieu. Quant à notre charité, elle se fortifiera par l’exercice de l’aumône.

Les Préfaces propres du temps du Carême nous éclairent, elles aussi.

La première Préface, qui précise la signification spirituelle de ce temps, propose 3 pistes, mais avec un petit changement : il faut toujours s’adonner à une prière plus fervente (1), ainsi qu’à une charité plus active (2) mais 3) il faut aussi être fidèles aux sacrements qui nous ont fait renaître.

La fidélité aux sacrements, c’est la fidélité revigorée à notre baptême dont nous renouvellerons les promesses dans la nuit de Pâques, et aux autres sacrements : ceux que nous avons déjà reçus, celui de la confirmation, du mariage, de l’ordre, de la réconciliation ou ceux que nous devrions recevoir : celui de la confirmation, si nous sommes passés à travers durant notre jeunesse, celui du mariage, si nous vivons ensemble en nous passant de la grâce de Dieu et bien sûr, pour que notre participation à l’Eucharistie porte du fruit, celui de la Réconciliation, que nous avons déjà reçu (il peut arriver que ce soit il y a fort longtemps) mais qu’il nous faut encore recevoir et qu’il faudra recevoir encore jusqu’à notre dernier jour. Tous les sacrements doivent toujours être célébrés avec respect et reçus dans un esprit de foi, nous rappelle la prière après la communion du 3ème samedi, sinon ils pourraient être « un motif de condamnation » pour ceux qui les reçoivent, dit encore une oraison. (Post-communion, mercredi 4ème semaine).

La deuxième Préface du Carême, qui évoque l’esprit de pénitence, nous invite 1) à retrouver la pureté du cœur (ce qui est entre autres grâces l’œuvre du sacrement de pénitence), 2) à nous libérer des passions mauvaises (ce qui est l’œuvre du jeûne), 3) à travailler à ce monde qui passe, en nous attachant surtout aux réalités qui demeurent, ce qui est l’œuvre de la charité qui concerne Dieu et le prochain.

La troisième Préface du Carême, qui évoque les 3 bienfaits de l’abstinence, veut que nous rendions grâce par nos privations qui 1) rabaisseront notre orgueil de pécheurs, 2) nous inviteront à suivre l’exemple de la bonté divine, 3) nous pousseront à partager avec ceux qui ont faim.

Et comme il y a une quatrième Préface, sur les bienfaits du jeûne, nous ne nous étonnerons pas qu’elle fixe 4 objectifs dont le 4ème sera réservé à l’autre monde : 1) réprimer nos penchants mauvais, 2) élever nos esprits, 3) nous donner la force, et après tout cela, 4) la récompense, celle évoquée par Jésus dès le premier évangile de notre route vers Pâques.

Quant à la première oraison de la messe de ce jour, elle nous invite 1) à vivre le Carême en vérité ; 2) à progresser dans l’intelligence du mystère du Christ, 3) à en rechercher la réalisation par une vie qui lui corresponde.

Une manière de nous dire que nous ne devons pas nous contenter de la théorie mais passer à la pratique. Pratiquer, c’est une manière de vivre, la seule qui corresponde à la volonté du Seigneur.

Tout ce qui nous est demandé de vivre durant ce temps de pénitence, quels que soient les mots employés, privation, jeûne, abstinence, discipline, renoncement … poursuit 3 buts :

1)    Nous rendre plus forts pour le combat spirituel, nous libérer, nous aider à lutter contre le mal, à arracher de nos cœurs jusqu’aux racines du mal, à renoncer aux plaisirs mauvais et au ferment du mal, aux séductions du monde, aux fausses joies, à modérer nos désirs terrestres, à former nos esprits, à les affiner, à les renouveler, pour nous permettre de nous attacher plus fermement au Seigneur Jésus…

2)    Nous purifier, nous guérir du péché, nous relever, nous réconforter, nous consoler, nous encourager à recevoir le pardon toujours inépuisable pour nos péchés, à vivre de la miséricorde pour obtenir le salut…

3)    Nous orienter vers la vie éternelle, puisque le Carême nous prépare à la grande fête de Pâques, qu’il nous faudra fêter dignement. Ce temps nous aide à progresser chaque jour jusqu’à l’éternité, but ultime, fin suprême de notre vie ici-bas, afin que nous puissions contempler la gloire divine éternellement. Plus nous approchons de la fin du Carême, plus ce rappel devient fréquent.

Tout cela donne peut-être l’impression d’un vaste catalogue ! Il s’agit surtout d’une collection de thèmes d’une richesse incroyable à méditer, de moyens divins et concrets offerts par la liturgie pour notre progrès spirituel.

Chaque aspect mériterait qu’on s’y arrête pour en tirer toutes les conséquences, pour profiter de toutes les perspectives ouvertes et offertes …

Quelle chance nous avons d’avoir une liturgie si riche, ayant amassé au fil des siècles toutes les grâces accordées par le Seigneur.

Sans oublier tous les trésors de la Parole de Dieu qui nous accompagnent chaque jour !

L’évangile de ce jour, particulièrement bref et presque lapidaire nous fait passer immédiatement du baptême au désert et du désert à la mission. Comme pour le Christ, la vie du baptisé est une vie de combat spirituel en vue de la mission. « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Bon, saint et riche Carême !

Homélie du 08 Décembre 2023 : VLA 2023 Immaculée Conception.

Nous voici rassemblés pour célébrer une fête mariale, l’une des plus grandes fêtes mariales. Elles sont toutes et toujours belles pour nous, pour tous ceux qui aiment la bienheureuse Vierge Marie et la bienheureuse Marie toujours Vierge.

La présence de Marie distille dans nos vies un peu de douceur maternelle, de tendresse maternelle, écho de la tendresse infinie du Père. Elle nous rend proche de Dieu. Qui s’approche de Marie s’approche de Dieu. Qui s’approche de Dieu rencontre toujours Marie. « Voici votre mère ! »

Dieu le Père a choisi Marie pour son Fils. Nous-mêmes, nous choisissons spontanément Marie pour qu’elle nous aide à vivre notre dignité d’enfant de Dieu.

De dignité, il en était question dans la première oraison de cette messe.

« Seigneur Dieu, tu as préparé à ton Fils une demeure digne de lui par la Conception immaculée de la Vierge… »

C’est Dieu qui a préparé Marie, qui a choisi et fait Marie. Et Il l’a faite pour son Fils. Marie est toute relative au Fils, au dessein de Dieu pour le salut du monde. Elle accueille en son sein le Sauveur qu’elle va donner au monde, au jour de sa naissance comme au pied de la croix. C’est Dieu qui lui demande, c’est Dieu qui lui donne la grâce pour cela. Telle est la règle de vie de Marie : faire la volonté de Dieu : « Que tout m’advienne selon ta parole ».

Une demeure digne, parce que préservée du péché, « de tout péché » dit la 1ère oraison, « pure de tout péché » selon l’oraison sur les offrandes, de « toute souillure du péché originel » précise la Préface, « de manière unique » insiste la prière après la communion.

Au Fils unique, trois fois saint, il fallait une demeure digne de lui, sans péché, immaculée.

La fête de la Conception immaculée met particulièrement en évidence la beauté de Marie et la laideur du péché. Ce qui fait la beauté de Marie, c’est l’absence du péché qui abîme tout. Elle est comblée de grâce : en elle, nulle place pour le péché. De son cœur n’est jamais sorti que du vrai, du bien, du beau, comme de son sein est sorti le plus beau des enfants des hommes, la Lumière du monde, la Vérité, la Grâce.

Une demeure digne de lui ! Il n’y en aura jamais de plus digne que la douce Vierge Marie. C’est dire la profonde communion, sans obstacles, entre la Mère et l’Enfant, entre la Femme et le Christ. Jamais il n’y a eu et il n’y aura jamais de communion plus profonde entre Dieu et l’humanité qu’au moment où Dieu vient visiter la terre et nous donne Marie pour Mère. Toute la vie de Marie n’aura été qu’une communion avec Dieu, une communion de plus en plus profonde, une communion joyeuse durant les neuf mois de sa maternité, une communion douloureuse au pied de la croix, mais une communion qui n’aura jamais été ternie par l’ombre du péché. Un modèle de communion !

Contempler Marie, c’est sentir naître en nous un profond désir de communion avec Dieu, une soif ardente de vouloir faire sa volonté en toutes circonstances, un besoin urgent de sainteté, une horreur douloureuse et grandissante du péché, même le plus petit !

Aimer Marie, prier Marie, c’est vouloir l’imiter dans sa Foi, son Espérance et sa Charité. C’est vouloir devenir chaque jour un peu plus une demeure digne de Dieu.

Contempler Marie, c’est renoncer à tout ce qui est indigne du Seigneur, c’est accepter le choix du Seigneur qui veut que nous soyons « saints, immaculés devant lui, dans l’amour », comme l’écrit saint Paul aux Éphésiens. C’est notre vocation.

Bien sûr, la liturgie, admirable pédagogue, nous fait dire, en reprenant les mots du centurion de l’Évangile (Mt 8, 8) qui ont fait l’admiration de Jésus, « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir » ; ce qui est plus vrai que ce que nous voulons bien admettre habituellement !, « mais dis seulement une parole, et je serai guéri » ce qui est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’hier, et ne le sera pas moins demain.

Reconnaître que nous ne sommes pas dignes d’être une demeure pour Jésus n’est pas un constat sans conséquence ! « Dis seulement une parole et je serai guéri » !

Dis-la, Seigneur, cette Parole. Guéris-nous de notre manque de dignité, de nos manques de dignité.

Dis-la cette parole qui nous guérit du péché, qui nous pardonne tous nos péchés ! Dis-la cette parole qui nous rendra forts contre les tentations. Inscris en nous cette parole qui nous fera dire « non » au tentateur qui nous fait trouver désirables tous les fruits de mort.

Se mettre à l’école de Marie, ce n’est pas relativiser le péché dont elle-même a pu voir toutes les conséquences, toute l’horreur sur le corps et le visage de son Fils ensanglantés, torturés, exposés à la moquerie de ceux qui se croyaient dignes de pouvoir le mépriser. Se mettre à l’école de Marie, c’est saisir dans la foi, que la mort de Jésus est la cause de la Conception immaculée de Marie, de sa sainteté et de la nôtre. Car si le péché, nos péchés sont une cause de la passion mortelle de Jésus, Jésus fait de sa mort la cause de notre salut, la cause de notre sainteté, la source de toute grâce passée, présente et future.

Une demeure digne de son Fils. Voilà comment Dieu contemple Marie éternellement ! Une demeure digne de Jésus, voilà ce qui réjouirait Jésus si nous lui offrions un cœur purifié par la puissance de l’Esprit Saint, cet Esprit qui préside à l’entrée du Fils de Dieu dans le sein maternel, dans les entrailles mariales, comme nous le rappelle le si bel Évangile de cette fête.

Invoquons souvent l’Esprit Saint ! Que coulent en nous les « fleuves d’eau vive » de la grâce qui lave et purifie, et qu’ils mettent en nous la seule dignité qui vaille : celle de la grâce, celle de Dieu ! Amen !

Homélie du 03 Décembre 2023 :    Avent/B/1 VLA 2023.

Nous commençons en ce dimanche une nouvelle année liturgique. Au commencement d’une année, il est bon de formuler quelques souhaits. Mais avant de les formuler, quelques remarques !

Nous le savons, il existe plusieurs années qui ne commencent pas toutes au même moment et n’ont pas toutes la même durée : elles se chevauchent les unes les autres et parfois mêmes peuvent entrer en concurrence.

Il y a l’année civile du 1er janvier au 31 décembre ; il y a l’année scolaire du mois de septembre à la fin juin ou début juillet ; il y a l’année universitaire encore plus courte et parsemée de quelques grèves souvent ; il y a aussi les années où les saisons plus ou moins longues pour un certain nombre de sports ou de championnats qui ont leur propre rythme.

Aujourd’hui commence l’année liturgique. Ce qui définit, structure, ordonne et fixe l’année liturgique, ce sont tout simplement les mystères de la vie du Christ. Avec les mystères de la vie du Christ, il y a aussi tous les mystères qui dépendent directement de la vie du Christ, en particulier tous ceux qui concernent la Bienheureuse Vierge Marie et tous les saints.

Puisque ce sont les mystères de la vie du Christ qui structurent l’année liturgique, notre année de prière, il est normal que celle-ci commence avec la naissance qui est un commencement. Mais la naissance est toujours précédée de la conception et évidemment d’un certain nombre de préparatifs.

L’année liturgique commence donc par Noël et par ce temps de préparation qu’est le temps de l’Avent qui nous conduit à Noël.

Comme il faut vivre tous les mystères de la vie du Christ sur une seule année, toute la vie du Christ est condensée sur 12 mois ce qui fait que nous célébrons la mort et la résurrection de Jésus quelques semaines après sa naissance, mais aussi que nous célébrons, par exemple, la nativité de Marie trois mois avant celle de Jésus ! Cela peut paraître bizarre mais souligne la richesse et la concentration intense des mystères de la vie du Christ et de l’Église qui est son Corps. Il n’est pas facile de faire entrer l’éternité dans le temps ! C’est pourtant ce qui se réalise par l’Incarnation du Fils de Dieu, c’est ce que l’Église réussit chaque jour et chaque année dans sa liturgie.      

L’année liturgique est donc extrêmement dense et féconde : elle consiste toujours pour nous à aller à la rencontre du Seigneur qui lui-même vient à nous : et c’est là, le mystère de l’Église, la rencontre entre Dieu et son peuple, entre le Christ et chacun de nous, une rencontre qui est une communion qui doit s’intensifier de plus en plus.

On ne se trompe pas quand on suit l’année liturgique de l’Église, quand on se laisse bercer par sa prière, quand on puise à sa source. On est sur le bon chemin. On est en compagnie du Christ, et sous la conduite de l’Esprit Saint.

 Célébrer chaque dimanche, et même chaque jour, la liturgie de l’Église, c’est se laisser façonner par elle. D’une certaine manière, ce n’est pas nous qui prions. C’est l’Église qui prie à travers nous, c’est l’Esprit Saint qui prie en nous. La liturgie est une véritable école de vie spirituelle. Si nous lui sommes fidèles, elle façonne chaque jour un peu plus notre âme, notre cœur, notre façon de penser, notre vie sur le modèle du Christ. Ce n’est pas nous qui faisons Dieu. C’est Dieu qui nous fait. Nous ne produisons pas la liturgie, nous ne la créons pas, c’est elle qui insensiblement, comme la rosée chaque matin, nous imprègne de la grâce et de la vérité.

La liturgie nous enfante chaque jour à la vie divine. Merveilleuse liturgie de l’Église, de la plus simple à la plus solennelle, dans l’intimité d’une chapelle ou le rassemblement d’une foule immense, qui, à travers la Parole de Dieu, à travers les textes liturgiques, à travers les mystères célébrés et les différents sacrements, à travers les chants et la musique sacrée, grâce aussi à l’architecture et à la décoration, aux gestes, aux attitudes et à l’ordonnancement des déplacements, à travers les prières héritées de la tradition, illumine la vie présente et lui permet d’échapper à l’enfermement de ce monde. Elle est une porte ouverte vers le ciel. Un avant-goût de paradis.

Formuler des souhaits en début d’année, c’est se souhaiter, nous souhaiter les uns aux autres de nous plonger dans le bain de prière de l’Église, nous laisser renouveler et porter par la sainte liturgie. C’est comme cela qu’ont fait les saints qui nous ont précédés. C’est grâce à elle que nous progresserons à notre tour sur le chemin de la sainteté.

En ce premier dimanche de l’Avent, nous entendons Jésus nous inviter à veiller. C’est une invitation énergique. Veiller, ce n’est pas somnoler, encore moins s’endormir ou s’impatienter, attendre en vaquant à d’autres occupations.

Rester éveillés, ce n’est pas rester vides et inactifs, confortablement installés, en attendant que quelqu’un sonne à la porte. C’est au contraire nourrir cette attente, faire grandir le désir, se préparer à la rencontre ineffable et tant attendue. C’est entendre chaque jour Celui qui frappe à la porte de notre cœur et qui désire y entrer pour y faire sa demeure.

C’est, pour lui ouvrir la porte et lui offrir un cœur accueillant, purifier notre intérieur par la miséricorde divine et l’embellir de la grâce.

C’est mettre en pratique toutes les lumières qui nous sont offertes.

C’est, à l’école de Marie, par la prière silencieuse et amoureuse, cultiver notre intimité avec toute la Trinité.

C’est, toujours comme Marie, méditer en notre cœur les évènements et les paroles divines, qui nourrissent notre foi, soutiennent notre espérance, fortifient notre charité.

C’est aussi avancer à la rencontre de Celui qui vient sur « les chemins de la justice », comme le dit la première oraison de cette messe car si le Seigneur vient pour nous, nous ne pouvons pas douter qu’il vient pour tous les hommes et que beaucoup attendent, même sans le savoir, le Sauveur qui comblera leur cœur et donnera un sens à leur vie.

Ce temps de l’Avent est donc un temps d’intériorité, d’une intériorité nourrie et façonnée par la liturgie de l’Église, d’une intériorité telle qu’elle déborde en une joyeuse annonce de la foi : le Sauveur est venu, le Sauveur reviendra ! Grâce à Lui, nous dit saint Paul, nous avons  » reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. « !

Puisse ce temps de l’Avent, cette nouvelle année qui commence, nous permettre d’en vivre toujours mieux, jour après jour, dimanche après dimanche, fête après fête. Aucun don de la grâce ne nous manque ! Dieu est fidèle ! Puissions-nous l’être nous aussi. Amen.

Homélie du 05 Novembre 2023 : A/TO/31   2023 VLA                                                 

Frères et sœurs, tous, autant que nous sommes, nous n’avons qu’un seul maître, le Christ. La fonction du maître est d’enseigner : nous n’avons qu’un seul maître pour nous enseigner et nous avons besoin de Lui pour être enseignés.

On le voit dans les Évangiles où il est dit et répété, très souvent, que Jésus enseignait : il enseigne les foules ou ses disciples, il enseigne dans le Temple (Mt 21, 23), il enseigne dans les synagogues (Mt 4, 23), il enseigne sur la montagne (Mt 5, 2), il enseigne en ville (Mt 11, 1) et dans les villages (Mc 6, 6), il enseigne le long de la mer (Mc 2, 13) et même à partir d’une barque (Lc 5, 3) ; il enseigne souvent longuement (Mc 6, 34), il enseigne avec autorité (Mt 7, 29). Le Maître enseigne, et il enseigne la vérité. « Je suis la vérité », dit-il. Et quand il enverra l’Esprit Saint, c’est aussi pour qu’Il nous enseigne tout (Jn 14, 26).

Que le Maître enseigne, cela apparaît aussi dans le récit des pèlerins d’Emmaüs, où il nous est dit que Jésus, le Christ Maître, ouvre l’intelligence des disciples à la vérité contenue dans les Écritures.

Si le Maître enseigne la vérité, il s’adresse nécessairement à l’intelligence. L’intelligence a été donnée aux hommes pour qu’ils cherchent la vérité. Ce qui nourrit l’intelligence, ce qui comble l’intelligence humaine, c’est la vérité. L’intelligence ne se satisfait pas de l’erreur, ne veut pas se tromper, ne veut pas du mensonge.

Les chrétiens ne devraient jamais être paresseux intellectuellement. L’intelligence nous permet de connaître Dieu, la vérité sur Dieu. Elle donne accès à Dieu.

Nous n’avons qu’un seul Maître, le Christ, et tous, sans cesse, tout au long de notre vie, nous devrons nous mettre à son école, pour être véritablement ses disciples. Le disciple a la même discipline que le Maître et cela n’est possible que par une communion de pensée, communion de pensée qui suppose que le disciple accueille et reçoive l’enseignement du maître. La communion des disciples, la communion dans l’Église est une communion dans la foi, la vraie foi, la même foi, l’unique foi. 

Nous n’avons qu’un seul Maître, le Christ, qui parle à notre intelligence, mais qui parle aussi inséparablement à notre cœur. S’il nous donne la vérité, n’est-ce pas pour que nous l’aimions de tout notre cœur ?

Si le Christ nous dit dans l’Évangile que nous n’avons qu’un seul Maître, lui-même, il nous dit aussi que nous n’avons qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Dieu le Père fait de nous ses enfants par la grâce du baptême : c’est là un engendrement qui ne cesse pas.

Ce n’est donc pas seulement avec notre intelligence que nous cherchons et suivons Dieu. C’est aussi par toute notre vie. Le Christ ne nous enseigne pas seulement des vérités sur Dieu. Le Christ, par sa parole et l’exemple de sa vie, nous enseigne à vivre d’une manière nouvelle. Il ne s’agit pas seulement de penser vrai sur Dieu, il faut que ce que nous pensons, ce que nous croyons, transforme notre cœur et notre vie. Croire signifie vivre de telle manière qu’on ne pourrait pas vivre ainsi si Dieu n’était pas notre Père, si le Christ n’était pas notre Maître. Seule la connaissance de la vérité permet l’amour de la vérité.

« Sur la voie ouverte par la foi, l’amour, quand il est intense, va plus loin que la foi. » (Charles Journet, Œ. Complètes. XVI, P. 645).[1]

La vie se reçoit du Père et la vérité se reçoit du Christ, le maître. Il n’y a pas de contradiction entre ce que le Père et le Fils –  et nous pouvons aussi ajouter l’Esprit Saint –  nous donnent.

« Ils seront tous enseignés par Dieu lui-même ». Cette parole des prophètes que Jésus cite en saint Jean (6, 45) est pour nous source d’une joie immense. Car nous pouvons nous laisser enseigner, façonner intérieurement par Dieu lui-même. Comment cela peut-il se faire ?

Cela se fait dans la foi et donc dans l’Église. Dieu est Père et l’Église est notre mère, mater et magistra, mère et maîtresse. L’Église est notre milieu vital. C’est par l’Église que nous recevons toute grâce. L’Église n’est pas un intermédiaire ou un écran entre Dieu et nous : elle est l’œuvre de Dieu en nous. Dans ce milieu vital, plein de grâce et de vérité qu’est l’Église, le premier lieu où nous sommes enseignés, c’est la prière : la prière de l’Église, la sainte liturgie de l’Église, œuvre du grand artiste qu’est l’Esprit Saint, mais aussi la prière personnelle, quand on se retire dans une pièce à l’écart, et que l’on ferme la porte pour un cœur à cœur avec le Père, dans le secret. Là aussi, l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité est à l’œuvre, pour peu qu’on le laisse agir. Dans la prière, pour peu que nous arrivions à nous taire un peu, Dieu parle, il parle à notre cœur et à notre intelligence. Il nous éclaire, sur lui, sur nous, sur ce que nous devons croire, faire et vivre. 

Le Christ enseignant fait l’Église enseignante, le Christ Maître fait l’Église Maîtresse. Et voilà pourquoi l’Église ne cesse jamais d’enseigner, de faire de la catéchèse, de nous faire lire le catéchisme, à tout âge et pour tous. Une Église qui n’enseignerait plus ne serait pas fidèle au Christ, ne serait plus l’Église du Christ. 

Bien sûr, l’Église, et ceux qui enseignent dans l’Église, – cela fait partie de la charge des évêques, les nôtres sont réunis à Lourdes en assemblée plénière en ce moment -, doivent toujours se laisser enseigner. Un bon maître est d’abord un bon disciple et quand il cesse d’être disciple, il n’est plus un bon maître. Et de la même manière qu’il n’y a pas de contradiction à l’intérieur du Christ, entre ce qu’il enseigne, ce qu’il vit et ce qu’il fait, il devrait en être ainsi dans l’Église non seulement pour ceux qui ont la charge d’enseigner, mais pour tous sans exception, car tous, quelle que soit notre vocation, nous ne sommes chrétiens que si nous sommes disciples, et si nous sommes disciples nous devenons aussi des maîtres pour d’autres.

Le père et la mère ne sont-ils pas les premiers maîtres que Dieu donne aux enfants ?

La condition, pour être de bons disciples, de bons enfants de Dieu et de bons maîtres, c’est l’humilité. « Qui s’abaisse sera élevé », disait Jésus. Mais la plus belle image nous est sans doute donnée dans le psaume : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi, comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. »

Saint Paul, dans la seconde lecture, reprenait cette belle image : « Frères, nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, (- c’est-à-dire la vérité -), mais jusqu’à nos propres vies. »

 Nous sommes bien loin de ce que Jésus reproche aux scribes et aux pharisiens qui disent et ne font pas, qui séparent la vérité de l’amour ou des mauvais prêtres de la première lecture.

Heureux sommes-nous de désirer être enseignés ! Plus nous connaissons Dieu, plus nous saurons que ce qui nous reste à connaître de lui dépassera et sera toujours plus vaste que ce que nous connaissons déjà !

Voilà pourquoi ceux qui connaissent Dieu sont toujours humbles : ils savent qu’ils ne savent pas, ils savent que ce qu’ils doivent encore apprendre est plus grand que tout ce qu’ils savent déjà.

« Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. »

Mais si le Seigneur nous donne de connaître des merveilles qui nous dépassent, rendons lui-grâce, exultons de joie, tout en gardant notre âme égale et silencieuse : ce qui l’attend est toujours plus grand.


[1] « Sur la route que la foi ouvre par les concepts, l’amour fait aller la foi plus loin que les concepts. » Charles Journet, Œ. C. X p. 296-7. (Connaissance et inconnaissance de Dieu).

Homélie de la Toussaint 2023 :

Que cette fête de la Toussaint, frères et sœurs, vienne consoler nos cœurs de toutes les tristesses d’ici-bas. Oui, la solennité de la Toussaint doit nous remplir de joie, la joie qui naît de la foi, notre foi qui est confortée quand nous contemplons la communion de tous les saints, dans leur joie d’adorer, de louer Dieu, leur joie chaque fois qu’un pécheur se convertit sur la terre ! Ils ont la joie d’être comme Dieu, parce qu’ils le voient tel qu’il est. Ils ont la « possession saturante du bien dans sa plénitude » ! Ils sont comblés !

En effet la fête de la Toussaint nous rappelle que Dieu tient toujours ses promesses. La fête de la Toussaint vient confirmer celle de la Pentecôte, vient nous dire que la Pentecôte n’est pas une illusion ou n’est pas un moment passé de l’histoire de l’Église.

À la Pentecôte, en effet, le Seigneur a répandu son Esprit Saint dans l’Église naissante. Ce don de l’Esprit Saint, n’a jamais cessé, jamais Dieu n’a repris ce qu’il avait donné. L’Esprit Saint fait l’Église sainte et permet à l’Église de produire des fruits de sainteté.

La preuve que l’Esprit Saint est l’âme de l’Église, c’est-à-dire sa forme et sa fécondité, son être même, c’est la foule immense des saints, pas seulement ceux que nous connaissons bien parce que l’Église nous les donne en exemple en les canonisant, mais la foule immense, bien plus grande, des saints inconnus, anonymes. Chaque saint est comme la fleur qui a poussé sur le terreau de sainteté qu’est l’Église. Chaque saint est la preuve de la puissance et de la fécondité de l’Esprit Saint dans l’Église. Chaque saint est toujours un enfant de l’Église (Cf. Préface). Et aujourd’hui nous contemplons cette foule immense des saints qui ne cessent d’enrichir l’Église, depuis le jour de la Pentecôte. Des saints qui ont fleuri partout, sur tous les continents, à toutes les époques de l’histoire, dans tous les milieux, à tous les âges, et qui, richesse infinie de la grâce, s’ils relèvent tous de la même sainteté qui est la sainteté même de Dieu communiquée, sont tous différents les uns des autres. Pas de clones, pas de copies conformes, pas de copiés collés. Chacun est absolument unique, comme chaque personne est absolument unique.

Oui, grande joie pour nous de fêter la Toussaint et de compter sur la prière de cette foule immense qui n’a d’autre volonté que celle de Dieu : nous faire parvenir nous aussi à la sainteté. Nous ne sommes jamais seuls sur cette route, mais toujours accompagnés par une foule !

Oui, que l’Église du ciel, par sa présence et son intercession, nous communique un peu de cette joie parfaite qui est celle des élus, à nous qui sommes, ici-bas, membres de l’Église en pèlerinage sur la terre, dans une vallée de larmes

L’Église en route vers le ciel est déjà sainte mais, nous le savons tous, ses membres sont encore marqués par le péché. D’où la tristesse qui envahit nos cœurs, et pas seulement, pas d’abord à cause du péché des autres !

Bien sûr, dans cette Église pérégrinante, tous les membres ne sont pas encore arrivés à la sainteté mais tous les membres par leur baptême ont en eux les germes de la sainteté. Et si la croissance de la sainteté est souvent limitée par la faiblesse humaine, par le manque de foi et de charité et par l’abus du péché, nous devons bien en prendre notre parti, non pas pour nous résigner, – ce serait une défaite -, mais pour nous sentir appelés à la conversion personnelle. Nous le savons, Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Non pas critiquer les autres et les changer, mais changer soi-même.

Bernanos écrivait dans Frère Martin, bien avant qu’on invente les synodes synodants : « Me serait-il possible de dire pourtant […] que l’Église n’a pas besoin de critiques, mais d’artistes ? … En pleine crise de la poésie, ce qui importe n’est pas de dénoncer les mauvais poètes, ou même de les pendre, c’est d’écrire de beaux vers, de rouvrir les sources sacrées. L’Église n’a pas besoin de réformateurs, mais de saints ».

Quand les chrétiens de l’Église sont en crise, on peut les dénoncer … sans les pendre pour autant ! Mais cela ne peut pas suffire. Pour un véritable progrès, il faut retrouver « les sources sacrées », revenir à la Source. Nous perdre en chemin ne nous fera pas avancer d’un iota. Nous connaissons le chemin : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » dit Jésus.

Retrouver et « rouvrir les sources sacrées ».

C’est là que tous les saints ont puisé. Ils ne vivaient pas à une époque plus facile, plus simple, plus pure que la nôtre, même si parfois on a du mal à imaginer pire. Ils étaient de leur temps, mais ils ont puisé à la source éternelle : Dieu lui-même. Ce qu’ont fait les saints, nous pouvons le faire nous aussi : revenir à Dieu, puiser à la source, croire en son amour et à sa miséricorde, espérer dans ses promesses.

Revenir à la source, c’est revenir au Christ, Dieu fait homme, qui est venu nous parler ; c’est donc revenir à sa Parole pour la méditer et la mettre en pratique.

C’est sans cesse demander à l’Esprit Saint la grâce de la prière, c’est-à-dire ce désir de Dieu, de la communion avec Dieu, de la vie en Dieu.

Revenir au Christ, c’est revenir aussi aux sacrements institués par le Christ : ils sont les canaux de la grâce. Revenir ou reprendre conscience du trésor de notre baptême et de notre confirmation, revenir à la grâce de notre mariage, et à la fidélité de Dieu qui s’est engagé avec nous dans ce sacrement.

C’est revenir bien sûr à la grâce de l’Eucharistie, en passant toujours par la grâce du sacrement de la réconciliation.

Revenir à la source, c’est revenir au grand commandement d’amour que le Christ nous a laissé : aimer Dieu et son prochain comme soi-même.

Revenir à la source, c’est aussi revenir à un minimum d’ascèse et de pénitence : tous les saints l’ont vécu, parfois à des degrés héroïques, pour nous détacher de tout ce qui peut nous arrêter ou nous ralentir sur le chemin qui nous conduit à la rencontre du Seigneur.

Revenir à la source, ce n’est pas changer de source ou convertir la source ! C’est demander la grâce de la conversion pour soi-même, c’est être fidèles à l’Église du Christ.

Croire à la communion des saints fait partie des données essentielles de notre foi.

La communion des saints n’est pas l’accumulation et le stockage dans un paradis de personnes saintes mais sans relation entre elles. La communion des saints est une manière de manifester et de dire que les saints s’aident entre eux, que les saints aident les pécheurs appelés à la sainteté, que les pécheurs, s’ils laissent l’Esprit Saint agir en eux, peuvent aussi aider les autres à progresser sur le chemin de la sainteté. C’est un échange permanent de dons spirituels pour le progrès de tous. C’est la vie divine qui se répand. Quand nous prions les uns pour les autres, c’est déjà la communion des saints qui est à l’œuvre. Quand nous prions pour nos frères défunts, nous le ferons demain tout particulièrement et tout au long de ce mois de novembre, c’est déjà la communion des saints. Quand l’Église du ciel prie pour nous, elle accomplit l’acte le plus efficace de la communion des saints, la plus pure des prières des membres de l’Église, car les saints veulent ce que Dieu veut.

Tous les saints du ciel ne désirent qu’une chose : que nous devenions tous des saints, que nous parvenions tous à la sainteté, c’est-à-dire que nous laissions Dieu prendre possession de nos vies pour les transformer en Lui. Mettons notre confiance dans la prière de tous nos amis les saints et nous serons heureux comme les saints en paradis. Amen !

Homélie du 29 Octobre 2023 : 2023/TO/30/A

« Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ; et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous aimer ce que tu commandes ».

Voilà comment l’Église nous faisait prier au début de cette messe, avec cette courte mais riche oraison qui nous rappelle l’existence des trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. C’est sur cette dernière, la plus grande des trois dira saint Paul, que l’Évangile du jour nous invite à méditer.

« Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses, parce que vous êtes infiniment bon, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de vous. »  (Acte de foi).

Voilà comment la piété chrétienne la plus catholique – soyons fiers ! – a intégré dans sa prière le grand commandement dont nous parle l’Évangile d’aujourd’hui.

La vie chrétienne, la vocation chrétienne, le sens même du baptême, consiste à aimer. Aimer Dieu, aimer son prochain, s’aimer soi-même. C’est notre vocation dans le temps et dans l’éternité.

Cela ne peut pas nous surprendre, puisque saint Jean dit dans sa première lettre : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16). Et puisque Dieu, en vertu de son acte créateur, ne produit que du bon, il nous faut aimer Dieu et tout ce qui vient de Dieu.

Cependant, Dieu et les œuvres de Dieu ne sont pas seulement objet de notre amour. Saint Jean ajoute : « L’amour vient de Dieu » (1 Jn 4, 7).

Donc, nous devons aimer Dieu et notre prochain comme nous-mêmes non seulement parce que cela est bon, mais aussi en vertu de l’amour que Dieu nous donne et qui est le moyen par lequel nous aimons en retour Dieu, notre prochain et nous-mêmes. Celui qui n’aime pas son prochain refuse d’accueillir l’amour de Dieu pour lui et pour les autres. Cela est si vrai que nous approchons de la perfection quand c’est Dieu qui aime en nous. Quand Dieu aime en nous : Lui-même, notre prochain et nous-mêmes. L’amour humain, l’amour naturel n’est pas encore chrétien. « Un principe naturel ne donne pas de fruits surnaturels. » (Dom JB Porion, Amour et silence, p.35). Voilà pourquoi l’amour conjugal n’est chrétien que quand il est consacré dans le sacrement du mariage.

 L’amour naturel devient chrétien dans la mesure où il se laisse saisir totalement par l’amour de Dieu. « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 5)

Revenons à la question de départ : Quel est le grand commandement ? « Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. 

Commençons par : « de tout ton cœur ».

De tout ton cœur, cela signifie de toute ta volonté, avec toute ta volonté. On pourrait dire aussi de toute ta force. L’amour n’est pas un sentiment dégoulinant et collant qui s’impose à nous, malgré nous. L’amour est volontaire. J’aime parce que je veux aimer. Qui réduit l’amour a des sentiments n’est plus libre d’aimer. A tel point que Léon Bloy pouvait écrire : « Ce qui gêne l’amour, c’est les sens. » (Cité par J. Maritain, Œ C. XIII, p. 498.)

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur » , mais aussi « de toute ton âme. »

 L’âme, c’est le principe vital de notre vie, c’est la forme de notre corps, son principe d’activité : il faut donc aimer Dieu, notre prochain et nous-mêmes par toute notre vie. L’amour n’est pas une activité ponctuelle. L’amour est à la vie chrétienne, ce que l’âme est au corps : sa forme, son sens et sa vie même. Un corps sans âme n’est qu’un cadavre. Une vie sans amour, c’est mort.

« De tout ton cœur, de toute ton âme et » encore « de tout ton esprit. » 

« Rien ne peut être aimé de volonté, qui n’ait été conçu dans l’intellect » dit saint Thomas. (Somme théologique I, 27, 3, 3)

Aimer Dieu de tout notre esprit, c’est l’aimer aussi de toute notre intelligence, avec toute notre intelligence. Frères et sœurs, aimer devrait être l’acte le plus intelligent de nos vies. Plus le bien que nous aimons est grand, est vrai, plus notre amour est intelligent. De biens d’inégales valeurs, aimer le plus grand sera toujours plus intelligent. Aimer Dieu de tout notre esprit, c’est intelligent, parce que l’intelligence a pour nourriture la vérité. Dieu est amour, nous l’avons dit, mais Dieu est aussi vérité, la Vérité. Et pour nous qui désirons aimer Dieu, il est important qu’il soit vérité parce que sinon, s’il n’est pas vérité, il est faux, il est trompeur, il est menteur. À quoi nous servirait-il de croire que Dieu est Amour, si cet amour n’est pas vrai ? Il vaudrait mieux ne pas y croire.

« Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses, parce que vous êtes infiniment bon. »

Mon Dieu, donnez-nous votre amour pour que nous vous aimions comme vous méritez d’être aimé : infiniment. Cet amour que vous nous donnez pour que nous vous aimions, vous nous le donnez aussi pour que nous nous aimions les uns les autres et pour que nous nous aimions nous-mêmes. 

Frères et sœurs, l’amour aime toujours. L’amour ne peut pas ne pas aimer. Et si nous accueillons cet amour dans nos cœurs et dans nos vies, alors nous sommes comme Dieu, nous sommes bons, et nous aimons tout ce que Dieu aime, tous ceux que Dieu aime. Si nous n’aimons que certaines personnes – la première lecture nous mettait en garde -, cela signifie qu’il y en a d’autres que nous n’aimons pas !  Dans ce cas, l’Amour de Dieu demeure-t-il vraiment en nous ?

Notre cœur est-il suffisamment bon ? Aimer quelques personnes, c’est facile. Tout le monde en est capable, il suffit de choisir les personnes qui nous plaisent. Le critère de notre amour sera alors l’étroitesse de notre cœur, l’égoïsme, nos désirs parfois instables et changeants, mais jamais la bonté objective de l’autre, ni l’amour de Dieu.

Le calcul ne convient pas souvent à l’Évangile mais prenons-le comme une parabole : si j’aime 10 personnes ou 100 personnes par rapport aux milliards d’habitants sur la terre, la bonté de mon cœur sera infiniment … microscopique. Si j’aime tout le monde sans exception, mon cœur a la dimension du cœur de Dieu.

L’avantage du cœur humain, c’est qu’il grandit à proportion de l’amour qu’il accueille et qu’il donne. Tous, nous pouvons toujours aimer plus, aimer mieux. « Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses, parce que vous êtes infiniment bon, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de vous ».

Aimer son prochain suppose donc de s’aimer soi-même pour l’amour de Dieu. 

Il faudrait immédiatement une deuxième homélie pour méditer sur cette vérité profonde de l’Évangile et de la vie humaine : s’aimer soi-même.

Retenons au moins que Jésus en fait la mesure de l’amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain, comme toi-même ».

Nul ne peut prétendre aimer son prochain s’il ne s’aime soi-même. Non pas par orgueil, par égoïsme, par amour-propre, mais humblement, pour l’amour de Dieu. Dieu nous aime et si nous ne nous aimons pas nous-mêmes, nous nous opposons frontalement à Dieu qui nous aime.

Frères et sœurs, mercredi ce sera la Toussaint et pour se préparer à la Toussaint, certains d’entre vous éprouveront le désir très saint de se confesser avant cette grande fête, comme l’Église nous recommande de le faire régulièrement.

Quand on se confesse, on reconnaît facilement le manque d’amour envers Dieu, plus facilement encore, le manque d’amour envers le prochain, mais qui se confesse de manquer d’amour envers soi-même ? C’est un péché qui n’est pas souvent pardonné, parce qu’il n’est pas souvent confessé ! 

Que la grande fête de la Toussaint, que nous célébrons cette semaine, nous rappelle qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, et son prochain comme soi-même est possible. Tous les saints en témoignent. Puissions-nous demander la grâce en célébrant maintenant le sacrifice eucharistique d’avoir en nous le désir d’aimer Dieu, notre prochain et nous-mêmes, un désir si grand, qu’il ne nous laisse jamais en repos ! Amen !

Homélie du 24 Septembre 2023 : 2023/TO/25/A

Commençons, frères et sœurs, par évacuer le risque d’une interprétation qui n’aurait rien à voir avec cet Évangile.

Jésus ne nous donne pas ici des conseils d’ordre économique. Il ne veut pas ruiner les entreprises ni être injuste avec certains employés et se faire bien voir des autres. D’autres se chargent de ces méthodes et sont suffisamment nombreux !

De ce risque, nous étions prémunis par le Seigneur lui-même qui commençait ainsi : « Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine… ». Il ne fait pas de l’économie, mais de la théologie : il nous parle du royaume, celui des cieux, le royaume de son Père.

Et si cela ne suffit pas à nous mettre parfaitement à l’aise avec cette parabole, il faut aussi se souvenir des paroles entendues dans la première lecture – du prophète Isaïe -, « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. »

S’il y a travail et embauche, c’est pour le royaume des Cieux.

Ce royaume n’est pas une petite entreprise limitée à un domaine restreint ou même particulier. Il s’agit de travailler pour la terre entière et non seulement pour ce temps mais aussi pour l’éternité. D’une certaine manière, ce n’est pas à mesure humaine. Ici, c’est Dieu qui est la mesure de tout. 

Regarder Dieu ou son royaume, avec des critères purement humains, ne pourra jamais être juste, ajusté. C’est aussi un des avertissements que Jésus nous lance à la fin de ce passage d’Évangile. Parole terrible d’une certaine manière : « Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Parce que Dieu est bon, nous pouvons être mauvais. A cause même de la bonté de Dieu, le péché qui trouble profondément notre regard peut nous rendre mauvais. « Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Il y a derrière cette remarque du Christ, peut-être la dénonciation d’un vice, mais du moins celle d’un péché capital qu’on nomme habituellement jalousie. La jalousie ne nous fait-elle pas justement désirer le bien que nous constatons chez l’autre ou en l’autre ? C’est un bien réel ou supposé, présent chez l’autre et absent en nous ou pour nous, qui déclenche la jalousie.

Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui embauche tout au long de la journée, les premiers venus comme les derniers arrivés.

Il y a du travail pour tous dans le royaume des Cieux, pour le royaume des Cieux. 

Saint Paul, en écrivant aux Philippiens, oriente en quelque sorte notre méditation.

« Quant à vous, disait-il, menez une vie digne de l’Évangile du Christ. » C’est déjà tout un travail à temps complet !

Qu’est-ce que cela veut dire pour saint Paul ? À la lumière des versets qui précédent immédiatement, et que nous avons entendus, une vie digne de l’Évangile, c’est la vie de saint Paul, dont l’unique but est de faire que la grandeur du Christ soit manifestée. Certes il préférerait partir à la rencontre du Seigneur, mais s’il arrive à faire encore ici-bas un travail utile, alors il veut bien rester, rester tout simplement pour annoncer l’Évangile à ses frères. Une vie digne de l’Évangile, c’est peut-être tout simplement une vie qui annonce l’Évangile, une vie qui proclame le Christ, qui manifeste la grandeur du Christ, du Sauveur. Une vie digne de l’Évangile, ce n’est pas seulement une vie sainte vécue pour soi-même : c’est une vie donnée aux autres, au nom du Christ, pour le Christ, dans le Christ, par le Christ. « Pour moi, vivre c’est le Christ ».

Une vie digne de l’Évangile, c’est une vie digne du Christ. C’est permettre au Christ de vivre en nous. Travailler au royaume de Dieu, c’est donc, pour une part au moins, annoncer l’Évangile, évangéliser, être missionnaires afin que tous puissent parvenir à la connaissance de la vérité, du vrai Dieu, de l’unique Dieu.

Et cela est valable pour tous : pour ceux qui sont entrés il y a très longtemps dans l’Église par la porte de la foi et du Baptême, et pour ceux qui y entrent aujourd’hui, après parfois des années d’indifférence ou d’errance.

Et nous savons combien les nouveaux venus, ceux qui ont été touchés par la grâce, qui se sont convertis, parfois radicalement, nous bousculent d’une certaine manière, surtout si nous nous sommes un peu endormis, anesthésiés par le confort, la paresse, le manque de ferveur. Ils peuvent parfois nous rendre jaloux parce que nous avons perdu le feu sacré que nous constatons souvent chez eux.

« Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Si cette parabole nous gêne, c’est aussi parce que, sans y faire attention, nous nous mettons nous-mêmes spontanément et immédiatement à la première place, c’est-à-dire à la place de l’ouvrier de la première heure, comme si nous avions toujours tout bien fait depuis le commencement.

Mais essayons de nous mettre à la place de l’ouvrier de la dernière heure ! Et là ne retrouvons-nous pas immédiatement la joie ?

Car ne sommes-nous pas plutôt des ouvriers de la dernière heure ? Peut-être n’avons-nous même pas commencé à travailler à cette œuvre d’évangélisation jusqu’aux extrémités du monde ? Ou si nous l’avons fait, c’est peut-être à notre mesure et pas encore à celle de Dieu ?

Le plus simple serait peut-être de résumer notre page d’Évangile par cette évidence : « Il n’est jamais trop tard pour bien faire » ; il est toujours temps de faire quelque chose pour le royaume des Cieux.

Il y a bien des manières d’y travailler mais ne rien faire ne sera jamais chrétien ! Que personne ne reste sans rien faire dans l’Église, dans nos paroisses.

Le Seigneur appelle tout le monde ! Chacun à son heure ! A chacun d’entendre et de discerner l’appel de Dieu et d’y répondre. Dieu est généreux nous rappelle Jésus ! Soyons généreux aussi !

Homélie du 03 Septembre 2023 : 22ème dimanche du Temps ordinaire / 2023

L’Évangile de ce dimanche est la suite immédiate de celui que nous avons entendu dimanche dernier. Pour bien comprendre celui d’aujourd’hui, rappelons-nous ce qui se passait : la question tournait autour de l’identité de Jésus : « Pour vous, qui suis-je ? », et la réponse que donne Pierre est directement inspirée par le Père lui-même. C’est Jésus, qui l’affirme.

L’acte de foi de Pierre, tout acte de foi, le moindre acte de foi, est toujours l’œuvre de la grâce, c’est-à-dire de Dieu qui éclaire l’intelligence et meut la volonté de l’homme. « Croire est un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce  » »[1]. Merci le catéchisme !

L’acte de foi n’est pas une croyance purement humaine, l’acte de foi suppose la grâce. C’est Dieu qui nous donne ce dont nous avons besoin pour croire en Lui, pour aller à Lui.

C’est parce que la grâce de Dieu traverse Pierre et lui permet de reconnaître le Christ pour ce qu’il est, que Jésus peut, de manière très solennelle, déclarer : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » ; non pas notre Église, ni l’Église de Pierre, mais l’Église de Jésus, l’Église telle que Dieu la voit et la veut. Quelle solennité, quelle intensité, quelle profondeur dans cet acte et cette déclaration du Christ !

Dans l’Évangile, Jésus admire souvent la foi de ceux qui s’adressent à lui, même quand ce sont des gens éloignés du peuple de Dieu : « Femme, ta foi est grande », avait-il dit à la Cananéenne qui suppliait pour sa fille.

Ici, avec Pierre, Jésus va plus loin et n’accorde pas à Pierre ce que Pierre demande, lui qui, d’ailleurs, ne lui demande rien ! mais fonde sur lui, son Église, lui donne un rôle, une vocation, une responsabilité immense : « La puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

C’est immédiatement après avoir confié à Pierre cette mission que commence l’Évangile d’aujourd’hui où Jésus annonce qu’il va souffrir, être tué et ressusciter. Alors Pierre se révolte, – oubliant peut-être la résurrection-, et se met en travers du chemin que le Christ prend : « Cela ne t’arrivera pas ! » Et nous entendons la réplique cinglante de Jésus, « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Nous sommes sans doute tous comme saint Pierre. A nos grands élans de foi, succèdent parfois des révoltes, des pensées contraires, le refus de la volonté de Dieu. Il y a des hauts et des bas.

Revenons à Pierre : son attitude, en soi, n’est pas mauvaise. Qui ne voudrait pas tout faire pour que soient épargnés par la souffrance ceux que l’on aime ?

Mais, même bonne en soi, cette pensée n’entre pas dans le plan de Dieu, s’oppose à la volonté divine, est une pensée humaine, trop humaine, qui plaît à Satan et non à Dieu.

Frères et sœurs, notre vie chrétienne, notre vie spirituelle, notre vie morale, et même notre vision de Dieu et de l’Église, tout cela n’est-il pas en nous trop dépendant de pensées, peut-être bonnes, mais souvent trop humaines, simplement humaines ? Conduire sa vie chrétienne selon des critères humains ne nous fera jamais beaucoup progresser sur le chemin de Dieu.

Notre foi doit dépendre de Dieu. Notre espérance aussi. Notre charité, tous nos amours, devraient dépendre de Dieu, d’abord.

Que c’est difficile de renoncer à ses propres pensées pour que la pensée de Dieu s’impose ! Voilà pourquoi Jésus ajoute non seulement pour Pierre, mais à destination de tous ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »  Renoncer à soi-même, c’est commencer par renoncer à ses pensées, à sa volonté propre. C’est cesser de penser humainement pour penser divinement, pour que les pensées de Dieu deviennent nos pensées.

Cette exigence que le Christ nous offre est explicitée dans les deux courts versets que saint Paul écrit aux Romains, et que nous entendions dans la seconde lecture.

Il nous invite à nous offrir en sacrifice.

Qui veut s’offrir en sacrifice ? Personne !

Qui doit s’offrir en sacrifice ? Tout le monde !

Évidemment, il faut bien comprendre ce que veut dire s’offrir en sacrifice, c’est-à-dire, comprendre le sacrifice selon la pensée de Dieu et non pas selon nos pensées ! Corruptio optimi pessima. La corruption du meilleur est ce qu’il y a de pire…Ne laissons pas Satan nous priver de sacrifice !

Saint Paul, qui nous exhorte « par la tendresse de Dieu », nous donne quatre critères pour un sacrifice selon Dieu :

1)    Le sacrifice doit être entier, complet, celui de tout notre être, de tout ce que nous sommes, de notre corps, de notre personne. Offrir moins que nous-mêmes ne sera jamais suffisant.

« présenter votre corps – votre personne tout entière – » ;

2)    Le sacrifice doit être vivant. Le sacrifice n’est pas une œuvre de mort mais de vie. Ce n’est pas un acte de désespoir mais d’amour. Le sacrifice du Christ se termine par et dans la résurrection.

3)    Le sacrifice doit être saint : inspiré par de bonnes raisons et intentions.

4)    Le sacrifice, enfin, doit être capable de plaire à Dieu : c’est le critère ultime. Les trois premiers critères peuvent être remplis, si cela ne plaît pas à Dieu, c’est inutile.

Un bon sacrifice, c’est un sacrifice qui plaît à Dieu. Et saint Paul conclut : « C’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. » Il n’y a pas de culte juste s’il n’y a pas de sacrifice, d’esprit de sacrifice.

Et pour que cela soit possible, saint Paul ajoute ce conseil fondamental : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. »

Sans le renouvellement constant de nos façons de penser, afin de ne plus penser de manière purement humaine, mais de penser selon Dieu, comme Dieu, nous ne pourrons pas discerner la volonté de Dieu, le sacrifice auquel il nous appelle, « ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. »

Ce qui est sûr, saint Paul nous le rappelle et c’est une mise en garde essentielle, c’est qu’il ne faut pas « prendre pour modèle le monde présent ». Non pas qu’il soit toujours mauvais, mais il serait naïf de croire qu’il est toujours bon ! Le monde présent, c’est le monde qui passe, c’est le monde d’en bas alors que Jésus est d’en haut, c’est le monde de la nature blessée par le péché originel, ce n’est pas le monde de la grâce…

Même prolongé à l’infini, le bien naturel ne pourra jamais suffire. La pensée de Dieu est bien plus profonde, plus vaste, plus riche.

Nous devons toujours être inquiets quand nos pensées consonent trop avec celles du monde surtout au sujet de Dieu, de l’Église, de notre vie chrétienne.

Que la célébration du Sacrifice eucharistique nous permette de nous offrir tout entier en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu. Que notre communion lui plaise pour que nous puissions en recueillir tous les fruits. Amen.

Homélie du 02 Juillet 2023 : 13ème dimanche du Temps ordinaire / 2023

Depuis les origines, depuis le commencement, Dieu préside à l’ordre de la création.

Chaque chose a une place, chaque être a sa place. 

Dans cette organisation, ordonnée, il y a une hiérarchie des êtres : du grec hierarkhia, de hieros, sacré, et arkhein, commander.

Ce que Dieu commande est toujours sacré.

Dieu a tout bien commandé, tout bien créé par sa Parole toute-puissante. Abîmer la création de Dieu, et en particulier son chef d’œuvre qu’est l’être humain, vouloir faire d’un homme une femme ou d’une femme un homme, détourner le mariage de sa finalité originelle, manipuler l’être humain, l’exploiter ou le détruire, sont autant de sacrilèges, d’offenses à Dieu.

Cette hiérarchie des êtres créés, l’Incarnation ne vient pas la bouleverser mais la confirmer, la sanctifier.

Dans la « vie nouvelle », dont parle saint Paul, acquise par le sacrifice rédempteur et que le Christ nous partage, nous prenons davantage conscience d’une loi fondamentale : l’homme est victime, – parfois complaisante et consentante -, du péché ; il est aussi bénéficiaire de la grâce. 

Cette double loi, – une loi répond à une autre loi, celle de la grâce à celle du péché -, nous fait accomplir, bien souvent et en quelque sorte, un douloureux grand écart. Car il n’y a pas de commune mesure entre ces deux lois. « Il n’en va pas du don gratuit comme de la faute » disait saint Paul dimanche dernier.

            C’est sous cette double loi que nous vivons.

La vie nouvelle, la vie chrétienne, la vie spirituelle, – sous la conduite de l’Esprit -, est une mort continuelle, désirée, cherchée et même recherchée : la mort au péché. 

Saint Paul résumait la vie et la condition du baptisé : « Pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. » Rm 6, 11. 

Être mort au péché, c’est ne plus avoir aucun attrait, aucune complaisance, aucune complicité avec le péché… Ce n’est rien d’autre que la grâce de notre baptême qui nous fait renoncer à tout péché, à toute complicité avec Satan et ses œuvres.

Être mort au péché, c’est préférer mourir que de pécher. « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché » (He 12, 4), dit l’auteur de la lettre aux Hébreux… 

Il n’y a que la médiocrité qui puisse se satisfaire de l’ambiguïté : croire que l’on peut continuer à pécher, tout en voulant vivre pour Dieu.

Être vivant pour Dieu en Jésus Christ c’est, par notre communion intime avec le Christ, accepter qu’il conduise notre vie en tout et pour tout. 

C’est dans la recherche continuelle de sa présence, dans l’accomplissement fidèle de sa volonté, dans le désir fervent de lui être conformé intérieurement, dans la purification fréquente de notre âme afin qu’elle soit toujours plus transparente, la joie de lui abandonner la conduite de notre vie, non pas par démission, mais par assomption de notre volonté dans la sienne, de tous nos amours dans son amour.

Être mort au péché et vivant pour Dieu en Jésus Christ, c’est le préférer à tous, c’est prendre sa croix et le suivre (autrement dit ce n’est pas toujours facile !).

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ;

celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ;

celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. »

            Cela dit, – et c’est le Christ qui le dit ! -, ces exigences ne devraient pas nous surprendre ! Elles devraient bien plutôt nous paraître tout à fait normales, tout à fait logiques. C’est dans l’ordre des choses, des personnes, des amours ! Dieu doit avoir la première place. Soit il passe avant tout et avant nous, soit nous nous faisons des idoles. Que ces idoles soient père, mère, conjoint, enfant, soi-même ou plaisirs variés ou avariés.            Jésus est bien plus aimable que le plus exceptionnel des parents, que le plus prometteur des enfants !

            Jésus est non seulement sans péché, ce qui devrait faire qu’il nous attire plus que quiconque, mais il est aussi Dieu, le Verbe fait chair, l’Amour incarné pour se révéler, pour se donner.

            Donner à Dieu la première place, – un seul Dieu tu adoreras -, et pas seulement le dimanche mais à chaque instant de nos vies, c’est se donner la chance ou la possibilité de remettre chaque chose, chaque personne à sa juste place, celle que Dieu lui donne de toute éternité.

« Qui a trouvé sa vie la perdra ;
qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. »

La hiérarchie, l’ordre sacré que Dieu donne aux réalités n’est peut-être pas toujours facile, il est toujours logique !

Mais ce n’est pas non plus toujours difficile ! nous l’avons aussi entendu :

« Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
    Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.
    Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

            Que le Seigneur nous comble suffisamment de foi pour vivre normalement, logiquement, intelligemment en mettant toute chose, toute personne, tout amour à sa juste place, selon la hiérarchie voulue par Dieu !

            Pensons, pensons souvent, frères et sœurs, que « nous sommes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. »

            Telle est notre foi, et à tout bien considérer, telle est être notre joie la plus profonde. Amen.

Homélie du 20 Mars 2023 : Saint Joseph

Marie est remplie de grâces, « comblée, pleine de grâce » et sans doute qu’une des plus merveilleuses grâces que Marie ait reçues est Joseph, son époux !

Quel bonheur pour Marie de pouvoir compter sur Joseph et de pouvoir s’appuyer sur lui, d’avoir comme époux un homme plein de foi ! Sans aucun doute pour Marie et pour Jésus, Dieu avait choisi Joseph. Il l’avait comblé évidemment d’un grand nombre de qualités, toutes les qualités humaines que nous pouvons imaginer et dont l’Évangile ne parle pas !

L’Évangile met surtout en évidence chez saint Joseph la vertu de foi !  Cet homme a une grande foi, une foi qui n’hésite pas, une foi qui ne fait pas tourner en rond inlassablement les mêmes questions et, s’il s’interroge ou s’il s’étonne sur ce que Dieu lui demande, dès qu’il comprend ce que Dieu lui demande, il le met en pratique : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit ».

L’ange qui était apparu à Marie, repartira après avoir entendu de Marie : « Que tout m’advienne selon ta parole ».  L’ange qui parle en songe à Joseph, lui, repartira sans avoir rien entendu ! Joseph ne dit rien ; Joseph agit. Il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit.

Si l’on franchit quelques années, une trentaine environ, et que nous nous plaçons au début du ministère public de Jésus, très exactement aux noces de Cana, Marie dira aux serviteurs – après avoir signalé à son Fils qu’il n’y a plus de de vin (ce qui est effectivement assez triste) –  « Faites tout ce qu’il vous dira ». Il n’est peut-être pas incongru d’imaginer que ce « Faites tout ce qu’il vous dira », la Vierge Marie a aussi pu le dire parce qu’elle vivait à côté de Joseph qui, lui, le premier, a toujours fait tout ce que Dieu lui demandait : elle avait sous les yeux un bon exemple, un serviteur du Seigneur !

Demandons cette grâce les uns pour les autres et pour tous les baptisés, pour tous les membres de l’Église et peut-être particulièrement pour tous les hommes, tous les époux et pour tous les pères : la grâce de la foi ! Qu’ils soient, les premiers, les serviteurs du Christ et de la Parole de Dieu et ne doutent pas de la vocation que Dieu leur confie :  toujours faire ce que le Seigneur prescrit, ce que le Seigneur demande, comme Joseph.

Saint Joseph, priez pour nous, priez pour l’Église, priez pour tous les époux et pour tous les pères de famille. Amen

Homélie du 19 Mars 2023 : 4ème dimanche de Carême , VLA

En ce quatrième dimanche de Carême, qui est pourtant celui de la joie, l’Évangile est un peu dur et difficile. Il est vrai que Jésus a déjà depuis quelques temps des contradicteurs. Cependant, nous sentons bien qu’en cette grande fête des Tentes à Jérusalem, il en arrive à une étape importante : à partir de là, les choses vont s’envenimer très vite pour lui.

Les lectures de ce jour mettent en évidence des oppositions.

Dans la première lecture apparaît une première opposition entre le regard des hommes et le regard de Dieu : « Les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur ». Le regard humain reste souvent à la surface, alors que le regard de Dieu scrute les profondeurs du cœur. C’est sans doute une des raisons qui poussera Jésus à nous recommander vigoureusement de ne pas juger : nous risquerions de le faire selon les apparences, parce que le cœur d’autrui nous échappe, échappe à notre regard superficiel. 

Dans la deuxième lecture, l’opposition se situe entre les ténèbres et la lumière : « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière ». Indirectement, cela touche aussi le regard, puisque, pour voir, nous avons besoin de lumière, et que dans les ténèbres, même si nous ne sommes pas aveugles, nous ne voyons rien.

Dans l’Évangile enfin, il est encore question de regard, bien que le personnage principal du récit soit un aveugle. Aveugle que Jésus va guérir un jour de sabbat, en lui demandant d’aller à la piscine de Siloé, c’est-à-dire la piscine de l’Envoyé, la piscine du Messie en quelque sorte. 

Ici, la question ne concerne plus seulement la qualité du regard, avec l’opposition entre le regard qui reste à la surface et celui qui pénètre le cœur, entre le regard humain et le regard divin, mais celle de l’aveuglement sur fond de péché. « Est-ce lui ou ses parents qui ont péché, pour qu’il soit né aveugle ? », question en partie étonnante d’ailleurs, car s’il est né aveugle, il n’a pas pu pécher avant de naître.

Question mal posée donc et que Jésus laisse immédiatement de côté : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui », ajoutant immédiatement qu’il faut travailler aux œuvres de Dieu, et cela tant qu’il fait jour, car pendant la nuit personne ne peut plus travailler, justement faute de lumière. Et qu’est-ce qui fait que c’est le jour ? C’est la présence du Christ. « Je suis la lumière du monde. »

La lumière étant présente, les yeux en bonne santé et ouverts peuvent voir. A la lumière qu’il est lui-même, quel regard les gens portent-ils sur Jésus ? A l’occasion du témoignage de l’aveugle qui a recouvré la vue, apparaît l’opposition qu’il y a entre ceux qui vont voir en Jésus, l’Envoyé, le Messie, quelqu’un qui « est de Dieu » et ceux qui ne vont voir en lui qu’un blasphémateur, un pécheur, quelqu’un qui « n’est pas de Dieu ». 

Les juifs ne veulent pas croire que cet homme qui voit maintenant était né aveugle, car cela les conduirait, ou les obligerait, à croire que le Christ est le Messie, qu’il est de Dieu. 

Admirons au passage la beauté et la force, malgré les oppositions, voire les menaces, du témoignage de l’aveugle guéri. Même ses parents ont peur mais lui tient bon, affrontant les pharisiens qui refusent de le croire, qui le méprisent et qui, finalement, vont le « jeter dehors », c’est-à-dire hors du Temple.

Cet homme est rejeté par les pharisiens mais Jésus va le retrouver. Celui qui était passé de l’aveuglement à la vue va passer maintenant, après son triple interrogatoire – par ses voisins, puis par deux fois par les pharisiens – de la vue à la foi.

Cette fois-ci, c’est le Christ qui l’interroge : « Crois-tu au Fils de l’homme » ? « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » « Tu le vois » : il fallait donc qu’il retrouve préalablement la vue. « C’est lui qui te parle » : si tu l’écoutes, tu croiras. Celui qui a été jeté dehors peut dire : « Je crois, Seigneur ! ». Il le dit, et pour manifester sa foi, « il se prosterna devant lui ». 

Nous connaissons bien la difficile articulation qu’il y a entre voir et croire. Beaucoup de nos contemporains disent, peut-être sans trop réfléchir, – il ne faut pas réfléchir pour dire des choses pareilles ! –, et en suivant, même inconsciemment, l’exemple des pharisiens : « Moi, je ne crois que ce que je vois », ce qui est d’abord inutile et ensuite faux. C’est l’inverse qui est absolument vrai, puisque Jésus dira à Marthe : « Si tu crois, tu verras ».

Au-delà de l’opposition bien connue qu’il y a entre voir et croire, « Nul ne peut voir Dieu et vivre », dit la Bible, il y a aussi une sorte de parallélisme entre voir et croire auquel nous faisons référence dès que nous chantons « Je veux voir Dieu ». « Je veux voir Dieu » suppose de croire qu’il existe. Sinon il n’y a rien à voir. « Je veux voir Dieu » exprime donc notre foi, le désir de notre foi, le but de notre foi.

Mais comment voir si on est aveugles, comment voir si nous sommes dans les ténèbres ?

‘« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : « Nous voyons ! », votre péché demeure. »’

Le péché que Jésus réintroduit ici, à la fin de l’Évangile, n’est donc pas d’abord la cause de l’aveuglement physique de l’aveugle-né, mais bien de l’aveuglement spirituel, du refus de croire, du refus de reconnaître en Jésus la lumière du monde. Tout manque de foi est un aveuglement ; tout manque de foi rend notre vue superficielle, matérialiste, focalisée sur les apparences, incapable de traverser le voile de la matière et se coupant ainsi de toute vie dans la grâce. 

Si l’aveuglement physique prive de la vue du monde matériel, l’aveuglement spirituel prive de la vue de Dieu et de tout ce qui est relatif à Dieu.

Cet aveugle-né est donc chacun d’entre nous. Nous avons tous besoin de retrouver la vue, c’est-à-dire la foi, qui permet de voir au-delà du visible, au-delà des apparences. La foi qui nous permet de voir Dieu et de reconnaître nos péchés qui offensent Dieu, afin d’aller nous laver à la piscine de Siloé, la piscine de l’Envoyé, dont la source n’est autre que le Christ Miséricordieux.

Prions pour tous ceux qui, de nos paroisses et d’ailleurs, vont bientôt s’approcher de la fontaine baptismale pour recevoir la lumière de la foi.

Que la grande fête de Pâques qui approche augmente en nous le désir d’une foi plus intense et la joie qui l’accompagne toujours !

Homélie du 19 Février 2023

7ème Dim / TO / A

VLA 2023

 « Dieu tout-puissant, nous t’en prions : accorde-nous de conformer à ta volonté nos paroles et nos actes dans une inlassable recherche des biens spirituels. »

Ainsi avons-nous prié, avec toute l’Église, au début de cette messe. 

Les « biens spirituels » que nous devons rechercher inlassablement sont tous dépendants du Bien spirituel par excellence, dont saint Paul, dans la seconde lecture, nous demandait si nous en avions vraiment conscience.

« Frère, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? »

Sans doute le savons-nous, mais souvent, certainement aussi, nous arrive-t-il de l’oublier. Depuis notre baptême, nous sommes un sanctuaire pour Dieu, c’est-à-dire le lieu sacré où Il demeure, où toute la Trinité habite. L’Esprit Saint habite en nous. C’est le Bien spirituel le plus grand, le bien infini puisqu’il est Dieu. « Dieu est Esprit » (Jn 4, 24), et cet Esprit habite en nous. 

La recherche inlassable des biens spirituels ne peut porter tout son fruit que dans la mesure où nous nous rendons présents à cette Présence de Dieu en nous. Cela nous est difficile, car le monde extérieur – et parfois intérieur -, nous offre une multitude infiniment variée de distractions, parfois des bonnes, souvent des moins bonnes, parfois même des mauvaises.

Comme le disait saint Augustin, qui a été un des premiers à scruter l’intériorité de l’homme, nous cherchons Dieu partout autour de nous et nous oublions qu’il est en nous.

« Tard je vous ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je vous ai aimée. C’est que vous étiez au-dedans de moi, et, moi, j’étais au-dehors de moi ! Et c’est là que je vous cherchais ; ma laideur se jetait sur tout ce que vous avez fait de beau. Vous étiez avec moi et je n’étais pas avec vous. Ce qui loin de vous me retenait, c’étaient ces choses qui ne seraient pas, si elles n’étaient en vous. »

Et il continue :

 « Vous m’avez appelé, vous avez crié, et vous avez brisé ma surdité ; vous avez étincelé, et votre splendeur a mis en fuite ma cécité ; vous avez répandu votre parfum, je l’ai respiré et je soupire après vous ; j’ai goûté et j’ai faim et soif de vous ; vous m’avez touché, et je brûle du désir de votre paix. » Saint Augustin, Confessions X, 27.

            Appelle-nous Seigneur, du plus profond de notre âme !  Crie et viens à bout de notre surdité ! Illumine tout notre intérieur de ta Présence et que les yeux de notre cœur te voient !

Arrêtons-nous quelques secondes au moins au milieu de cette homélie et reprenons conscience, reprenons contact, par la foi, avec Dieu présent en nous.

Revenons toujours à la source. Revenons toujours à cette présence divine qui fait de nous un sanctuaire. Laissons Dieu nous éclairer de l’intérieur ; venons souvent, en esprit d’adoration, trouver et retrouver Celui qui est là, qui demeure sans jamais s’absenter et, dans la foi, écoutons-Le, mettons-nous à son école.

Puisque le premier des 10 commandements, nous demande d’adorer Dieu, frères et sœurs, il faudrait toujours commencer, et en tout cas ne jamais oublier, de l’adorer en nous, de nous mettre à genoux devant Dieu, présent dans notre âme. Dieu demeure en nous, dit saint Jean (15, 4), et Il nous invite, à demeurer en Lui qui est en nous.

Si nous vivions constamment avec cette conscience surnaturelle de la présence de Dieu en nous, tout le reste de l’Évangile nous serait sans doute beaucoup plus facile à vivre et à bien vivre. Et la grande exigence, qui nous était rappelée par la première lecture tirée du livre des Lévites, ne nous étonnerait pas, ne nous découragerait pas : « Soyez saints, car, moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint. » Dieu ne nous demande que ce qu’Il est veut réaliser en nous.

Tous les autres commandements qui nous conduisent à la sainteté ne peuvent être observés que grâce à la présence de l’Esprit de Dieu en nous. Sans l’Esprit Saint, pas de sainteté.

Aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre intelligence, de toute notre âme et de toute notre force serait une quasi évidence, d’une simplicité enfantine, si nous laissions l’Esprit de Dieu, par qui « l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs » (Rm 5, 5), agir en nous et pour nous.

Et le second commandement qui est semblable au premier, et qui nous demande d’aimer nos frères et nos ennemis comme Jésus les aime, deviendrait tout aussi facile. Car si nous devons adorer Dieu présent dans notre cœur, nous ne pouvons pas moins l’adorer présent dans le cœur de nos frères. Si nous faisons l’expérience de laisser l’Esprit Saint agir en nous, nous croyons beaucoup plus facilement qu’il est présent aussi chez nos frères et agissant, dans la mesure, évidemment, où ils veulent bien, eux aussi, se laisser illuminer intérieurement et fortifier spirituellement par lui.

Les deux exigences, que Jésus nous rappelle dans l’Évangile de ce jour et qui complètent celles de dimanche dernier sur le respect de la vie et du mariage, ne sont plus impossibles à ceux qui se laissent mouvoir intérieurement par l’Esprit de Dieu. Bien sûr, si nous n’avons qu’une conscience naturelle, psychologique, ou simplement morale – même de la meilleure moralité -, les exigences posées par Jésus nous paraîtront toujours, à un moment ou un autre, impossibles à vivre. N’oublions jamais qu’en refusant que la volonté de Dieu s’accomplisse en nous, en refusant une parole de Dieu, c’est Dieu, c’est Jésus, Parole du Père, que nous renions et rejetons.

Adorer Dieu présent en nous est une bonne manière de se préparer à la célébration de l’Eucharistie où Dieu se rend présent sur l’Autel pour que nous l’adorions, avant de l’accueillir dans notre sanctuaire intime où il veut nourrir notre vie intérieure, notre conscience dans la foi de sa présence. Si nous pouvons communier, quand nous aurons communié, adorons-Le encore plus intensément en nous. Cette présence réelle et sacramentelle du Christ en nous ne dure que quelques instants… ne gaspillons pas ces minutes infiniment précieuses où « le sanctuaire de Dieu » que nous sommes ne mérite jamais mieux qu’en ces instants son nom. Amen.

Homélie du du 12 Février 2023

6ème Dim / TO / A

Les Angles/VLA 2023

Le Sermon du Christ sur la Montagne, dans l’Évangile de saint Matthieu, couvre trois chapitres : il commence par les Béatitudes et le rappel des commandements (chap. 5), passe par le don de la prière du Notre Père et une invitation à la confiance (chap. 6) et se termine par un appel solennel à mettre en pratique ce que Dieu nous dit (chap. 7).

Ces 3 chapitres tissent entre eux, de manière « indissoluble », les deux fils de la vie spirituelle et de la vie morale. Pour un chrétien, l’une ne va pas sans l’autre.

La vie baptismale est une vie spirituelle au sens où elle est tout entière conduite par l’Esprit Saint.

Elle est aussi une vie morale sans quoi cette vie spirituelle resterait « désincarnée ». Le plus spirituel, -l’Esprit Saint-, préside toujours à l’Incarnation la plus concrète : l’Esprit Saint est venu « couvrir Marie de son ombre » … et le Verbe s’est fait chair.

La vie chrétienne est une vie spirituelle incarnée. Elle n’est pas une belle théorie déconnectée du concret. Ce que Dieu nous demande doit être mis en pratique.

De fait, à la fin de ce long discours, Jésus met en garde contre l’excuse infondée, mais souvent entendue : « Je suis croyant non pratiquant ». Il en est de la foi comme de l’amour. Ce ne sont pas les mots qui comptent mais les actes. Il faut aimer et croire, non pas « en paroles et avec des discours, mais par des actes et en vérité » (1 Jn 3, 18).

N’oublions pas que la pratique mesure la foi. S’il y peu de pratique, -quelles que soient les pratiques envisagées-, cela signifie qu’il y a peu de foi … Il n’y a que ce que l’on croit vraiment que l’on met en pratique.

Ce qui répond à un principe universel : « L’agir suit l’être ». L’être bon agit bien, l’être mauvais agit mal et l’être chrétien agit et vit en chrétien.

Un conjoint pourrait-il être comblé par une épouse ou un époux qui lui dirait : « Je te promets fidélité » mais ne tiendrait pas sa promesse ?

Le Seigneur, qui a bien souvent et longuement enseigné, nous a dit non seulement ce qu’il fallait croire mais aussi comment il fallait vivre afin d’être, comme le disait l’Évangile de dimanche dernier, « le sel de la terre et la lumière du monde » (Mt 5, 13-14).

A la suite de son Seigneur, l’Église nous enseigne non seulement ce qu’il faut croire mais aussi ce que l’on appelle la morale, qui dépend totalement du Dieu en qui elle met sa foi. Sa morale n’est pas séparée ni séparable de sa foi. 

C’est une morale du bonheur, parce que Dieu est « infiniment parfait et bienheureux en lui-même » et il nous a créés « pour nous faire participer à sa vie bienheureuse » (CEC §1).

C’est une morale du bonheur et de communion personnelle avec Dieu. Ce n’est pas une morale des valeurs, fussent-elles chrétiennes, dont la cote varie selon les opinions du moment. Certaines de ces valeurs sont d’ailleurs suffisamment creuses pour que chacun les remplisse de ce qui l’arrange, et souvent de ce qui lui permet d’exclure les autres. Le baptisé ne vit pas pour des valeurs mais pour quelqu’un : Dieu.

Pour un baptisé, ce n’est pas ce qu’il vit, c’est-à-dire sa morale concrète, qui détermine ce qu’il croit, c’est-à-dire sa foi, mais c’est sa foi qui lui dit comment il doit vivre. C’est la foi qui irrigue toute la vie morale. Notre foi et notre morale dépendent toutes les deux de Dieu mais Dieu ne dépend pas de notre foi -ou manque de foi- ni de notre morale.

C’est Dieu qui, nous ayant créés libres, nous invite à bien utiliser notre liberté et nous dit ce qu’Il attend ou n’attend pas de nous.

Il invite et encourage chacun : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle » (Ben Sira le Sage 15, 15).

Il nous rend participants et acteurs de notre bonheur. Sans Lui ou contre Lui, nous devenons bien souvent les acteurs de notre malheur. Il y a là toute la grandeur tragique de la liberté et toute la responsabilité immense de l’homme libre !

Ainsi, ne peut-on pas opposer la foi à la morale, -ce serait mettre de la contradiction en Dieu-, ni accepter ou encourager, par exemple, une vie contredisant les commandements de Dieu, au nom de la miséricorde de Dieu.

Qu’on le veuille ou non, il faudra bien que chacun rende compte à Dieu de sa fidélité ou de ses infidélités à tous les iotas de l’Évangile. Le plus petit commandement, comme les dix plus grands, doivent tous être observés non pas seulement à la lettre mais dans l’Esprit qui va beaucoup plus loin que la lettre ! Tous doivent être aimés, tous nous rapprochent ou nous éloignent de Dieu, à proportion de notre fidélité.

Concernant la foi, il nous faut croire tout ce que le Christ, et à sa suite son Église sous la conduite de l’Esprit Saint, nous enseignent. Manquer de foi aura toujours pour conséquence de fragiliser les bases de notre vocation à la sainteté. Il est chrétien de croire que les commandements ne sont pas un fardeau (1 Jn 5, 3) mais qu’ils relèvent de la grâce et sont un chemin de libération. Les commandements et les grâces que Dieu nous donne convergent vers un unique but : nous conformer au Christ. Le commandement nous précise la volonté de Dieu, la grâce nous donne le moyen de l’accomplir. Dieu ne donne pas la grâce pour nous dispenser d’observer des commandements, ou pour faire le contraire de ce qu’ils demandent. Tout cela « vient du Mauvais ». Les grâces sont pour les commandements et les commandements pour la grâce.

Le combat spirituel est d’abord un combat pour la foi. Il est aussi un combat pour la vie morale, la vie fidèle, conformée au Christ.

Ce deuxième point est tout aussi crucial. Toute notre vie, jusqu’à notre dernier soupir conscient, il faudra essayer de hisser notre vie au niveau de notre foi. Si nous cessons d’essayer de vivre ce que nous croyons, nous finirons par croire que ce que nous vivons suffit. C’est de l’idolâtrie, puisque nous prenons ainsi la place de Dieu. La conversion à laquelle nous sommes sans cesse appelés consiste à adapter, à ajuster à la volonté de Dieu tout ce qui en nous n’est pas encore conforme à sa Parole.

D’où l’insistance dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, et donc dans l’enseignement de l’Église, sur le péché.

« Il n’a donné à personne la permission de pécher » (Ben Sira le Sage 15, 20). Et la mise à jour que Jésus fait dans l’évangile des dix commandements que nous venons d’entendre, loin de diminuer les possibilités de pécher, ne fait que les augmenter !

Insistance sur le meurtre, que l’on peut commettre simplement en se mettant en colère …

sur l’adultère, qu’un regard suffit à commettre…

sur les serments, auxquels il faut être fidèles ou qu’ alors il ne faut pas prononcer…

Le péché, c’est ce qui nous sépare de Dieu.

Le péché, c’est justement ce que le Christ est venu détruire, parce qu’Il veut notre salut et notre bonheur.

Le péché, c’est ce qui a conduit le Christ sur la Croix.

« Seigneur […] donne-nous, par ta grâce, de vivre de telle manière que tu puisses faire en nous ta demeure ». Ainsi avons-nous prié au début de cette messe. Le Seigneur peut difficilement -ou ne peut pas- faire sa demeure en nous, si nous ne vivons pas de la manière qu’Il nous commande et recommande.

           En observant entièrement ses préceptes, nous avons la garantie de Lui plaire et d’être sur le chemin du bonheur.            « Heureux ceux qui marchent suivant la loi du Seigneur ». Amen !

Homélie du 01 Janvier 2023

SAINTE MARIE, MERE DE DIEU

Au lendemain de la mort du Pape émérite, Benoît XVI.

Huit jours après Noël, nous fêtons la Maternité divine de la Vierge Marie.

La joie de cette célébration permet à tous les baptisés qui ont perdu hier celui qui a été leur Père, leur Saint-Père, pendant 8 ans, en assumant la charge de serviteur des serviteurs de Dieu, de vivre ce départ dans une immense espérance et une action de grâce digne du Magnificat de Marie. 

Il y avait entre Joseph devenu Benoît XVI et Marie, la Mère de Dieu, une grande affection et une connaissance spirituelle qui nous donnent de célébrer la Mère de Dieu, avec les paroles- mêmes du Pape Benoît.

Dès la première homélie de son Pontificat, il avait « déposé le présent et l’avenir de (s)a personne et de l’Église » entre les mains de la Très Sainte Vierge Marie. En ce premier jour de l’année, comme lui, nous pouvons en faire autant.

Comme Marie, il a médité dans son cœur, longuement, inlassablement, les mystères du Seigneur, les évènements, – paroles et signes – qui concernent le Rédempteur. Il avait une dévotion d’enfant et de théologien, pour l’Enfant-Dieu et sa Mère.

Dans ses homélies du 1er janvier, il revient souvent sur cette méditation de la Mère de Dieu :

Ainsi, en 2006, il disait : « Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). Le premier jour de l’année est placé sous le signe d’une femme, Marie. L’évangéliste Luc la décrit comme la Vierge silencieuse, constamment à l’écoute de la parole éternelle, qui vit dans la Parole de Dieu. Marie garde dans son cœur les paroles qui viennent de Dieu et, les unissant les unes aux autres comme dans une mosaïque, elle apprend à les comprendre. A son école nous voulons apprendre nous aussi à devenir des disciples attentifs et dociles du Seigneur. »

En 2008, il précisait : « « Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (Lc 2, 19). Le verbe grec employé « sumbállousa » signifie littéralement « mettre ensemble » et fait penser à un grand mystère à découvrir peu à peu. L’Enfant qui pleure dans la mangeoire, bien que semblable en apparence à tous les enfants du monde, est dans le même temps très différent : il est le Fils de Dieu, il est Dieu, et vrai homme. Ce mystère – l’incarnation du Verbe et la maternité divine de Marie – est grand et assurément difficile à comprendre avec la seule intelligence humaine.

A l’école de Marie, toutefois, il est possible de saisir avec le cœur, ce que les yeux et l’esprit ne parviennent pas à percevoir seuls, ni ne peuvent contenir. Il s’agit en effet d’un don si grand que ce n’est que dans la foi qu’il nous est donné de l’accueillir, même en ne le comprenant pas parfaitement. »

Cette difficulté à comprendre ne peut être dépassée que dans la foi. Comment Marie est-elle vraiment Mère de Dieu ? Difficulté qui se renforce quand on se rappelle qu’elle demeure Vierge dans sa maternité !

Le 1er janvier 2007, Benoît XVI prêchait : « Dans la liturgie d’aujourd’hui domine la figure de Marie, vraie Mère de Jésus, Homme et Dieu. La solennité d’aujourd’hui ne célèbre donc pas une idée abstraite, mais bien un mystère et un événement historique : Jésus Christ, personne divine, est né de la Vierge Marie, qui est, au sens le plus vrai, sa mère.

Au-delà de la maternité est aujourd’hui également soulignée la virginité de Marie. Il s’agit de deux prérogatives qui sont toujours proclamées ensemble et de manière indissociable, parce qu’elles se complètent et se qualifient mutuellement. Marie est mère, mais une mère vierge ; Marie est vierge, mais une vierge mère. Si l’on néglige l’un ou l’autre aspect, on ne comprend pas pleinement le mystère de Marie, tel que nous le présentent les Évangiles. Mère du Christ, Marie est aussi Mère de l’Église […]. Marie est, enfin, la Mère spirituelle de l’humanité tout entière, car c’est pour tous les hommes que Jésus a donné son sang sur la croix, et c’est tous les hommes que, depuis la croix, il a confiés à ses soins maternels. »

Tous les hommes sans exception peuvent se tourner vers elle … et vers son Fils. On ne peut pas séparer ceux que Dieu a unis.

« En glorifiant le Fils, on honore la Mère et en honorant la Mère, on glorifie le Fils. Le titre de « Mère de Dieu », que la liturgie met aujourd’hui en évidence, souligne la mission unique de la Sainte Vierge dans l’histoire du salut : une mission qui est à la base du culte et de la dévotion que le peuple chrétien lui réserve. Marie, en effet, n’a pas reçu le don de Dieu uniquement pour elle-même, mais pour l’apporter au monde : dans sa virginité féconde, Dieu a donné aux hommes les biens du salut éternel (cf. Collecte). Et Marie offre continuellement sa médiation au Peuple de Dieu en pèlerinage dans l’histoire vers l’éternité, comme jadis elle l’offrit aux pasteurs de Bethléem. Quant à elle, qui a donné la vie terrestre au Fils de Dieu, elle continue à donner aux hommes la vie divine, qui est Jésus lui-même et son Esprit Saint. C’est pourquoi elle est considérée comme la mère de chaque homme qui naît à la Grâce et qu’elle est également invoquée comme Mère de l’Église. », précise le Pape Benoît dans son homélie du 1er janvier 2011.

En méditant sur Marie, sa Maternité, sa Virginité, toutes réalités relatives à son Fils Jésus, Benoît XVI, nous fait souvent réfléchir sur notre propre vie, souvent en lien avec la paix, puisque c’est aussi aujourd’hui la Journée mondiale pour la Paix. Ainsi en 2009, il nous invite à la pauvreté :

« La naissance de Jésus à Bethléem nous révèle que Dieu a choisi la pauvreté pour lui-même à travers sa venue parmi nous. La scène que les pasteurs virent les premiers, et qui confirma l’annonce qui leur était faite par l’ange, est celle d’une étable où Marie et Joseph avaient trouvé refuge, et d’une crèche où la Vierge avait déposé le nouveau-né enveloppé de langes (cf. Lc 2, 7.12.16). Cette pauvreté, Dieu l’a choisie. Il a voulu naître ainsi – mais nous pourrions aussitôt ajouter : il a voulu vivre, et également mourir ainsi. Pourquoi ? […] »

Benoît XVI ajoute qu’il y a « (une) pauvreté « à choisir » et (une) pauvreté « à combattre » ». « Ici s’ouvre, dit-il, une voie féconde de fruits pour le présent et pour l’avenir de l’humanité, que l’on pourrait résumer ainsi : pour combattre la pauvreté injuste, qui opprime tant d’hommes et de femmes et qui menace la paix de tous, il y a besoin de redécouvrir la sobriété et la solidarité, comme valeurs évangéliques et en même temps universelles. Plus concrètement, on ne peut pas combattre efficacement la misère si l’on ne fait pas ce qu’écrit saint Paul aux Corinthiens, c’est-à-dire si l’on ne cherche pas à « établir l’égalité », en réduisant l’écart entre ceux qui gâchent le superflu et ceux qui manquent même du nécessaire. Cela comporte des choix de justice et de sobriété, des choix qui sont d’ailleurs exigés par l’exigence d’administrer sagement les ressources de la terre qui sont limitées. »

Terminons par la 1ère lecture et la bénédiction solennelle qu’elle contient et renouvelle :

Pour nous bénir, Dieu est venu par Marie. Elle est donc la première bénie, la « bénie entre toutes les femmes ». Écoutons encore Benoît XVI, dans son homélie du 1er janvier 2012 :

« La première à être comblée de cette bénédiction a été Marie, la vierge, épouse de Joseph, que Dieu a choisie dès le premier instant de son existence pour être la mère de son Fils fait homme. Elle est « bénie entre toutes les femmes » (Lc 1, 42) – comme la salue sainte Élisabeth. »

Frères et sœurs, c’est à elle, porte du ciel, que nous confions Benoît XVI. Qu’elle accueille dans le Royaume de son Fils celui qui a si bien parlé, et nous parlera longtemps encore, du Fils et de sa Mère, et de tous les mystères qui s’y rapportent. Amen !